Par Handicap.fr / Emmanuelle Dal’Secco, le 

Ils n’ont pas obtenu gain de cause à l’Assemblée, ils tentent le coup au Sénat. Le 17 avril 2018, des sénateurs communistes et apparentés ont déposé une proposition de loi (via trois articles), N°434, visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’Allocation aux adultes handicapés (texte en lien ci-dessous). « Nous voulons rétablir le véritable sens de l’AAH en améliorant la situation matérielle et morale des allocataires vivant en couple et en leur permettant de bénéficier pleinement de son augmentation », assure ce texte.

Après les députés

Le 3 avril 2018, l’Assemblée nationale refusait la création d’une commission spéciale pour examiner un texte similaire proposé par le groupe communiste qui avait pourtant était cosignée par 80 députés issus de toutes les formations politiques, y compris de la majorité LREM-MoDem, à l’exception du Front national. Cette allocation d’autonomie « porte décidément mal son nom », avait déclaré dans l’hémicycle André Chassaigne, chef de file des députés communistes, dénonçant un mode de calcul depuis des années « totalement injuste » pour les personnes handicapées en couple. Ces dernières représentent un peu moins d’un quart des bénéficiaires de l’AAH, soit environ 250 000 personnes.

Une relation de dépendance

De leur côté, les sénateurs rappellent que si l’allocataire est marié ou vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité (PACS), les ressources du conjoint sont prises en compte dans le calcul de l’AAH. Ainsi, le versement de cette allocation devient dégressif à partir de 1 126 euros de revenus pour le conjoint jusqu’à son arrêt s’il possède des revenus supérieurs à 2 200 euros par mois. Cela « crée de nombreuses difficultés morales et financières et est contraire au principe même de l’allocation, qui est de garantir l’autonomie du bénéficiaire », explique la proposition de loi. Et de poursuivre : « On instaure une relation de dépendance financière vis-à-vis du partenaire ».

Individualiser l’allocation

La conclusion de ce texte est sans appel : « Il convient donc d’individualiser l’allocation (…) peu importe la situation familiale ». La prise en compte des revenus du conjoint entraîne parfois des situations ubuesques où les bénéficiaires renoncent à se marier pour ne pas perdre leur allocation. « Ce n’est pas acceptable car cela constitue une discrimination et une difficulté de plus pour les personnes en situation de handicap », poursuit le texte. L’étude de cette demande, réclamée depuis des années par toutes les associations concernées, est sans cesse repoussée aux calendes grecques.

De nouveaux coefficients

D’autant que les dernières mesures adoptées par le gouvernement sont loin d’aller dans leur sens puisque le budget 2018 de la Sécurité sociale prévoit que les règles de prise en compte des revenus d’un couple percevant l’AAH soient rapprochées de celles appliquées pour les autres bénéficiaires de minimas sociaux, comme le RSA (revenu de solidarité active), moins avantageuses (article en lien ci-dessous). On explique… Le coefficient de prise en compte des revenus du conjoint est actuellement de 2 fois le montant de l’AAH (contre 1,5 pour le RSA). À partir du 1er novembre 2018, en même temps que sa première augmentation à 860 euros, il passera à 1,9 puis à 1,8 au 1er novembre 2019 lorsque l’AAH sera portée à 900 euros par mois. Ainsi, la multiplication de 810 euros (819 euros depuis le 1er avril 2018) par 2 ou de 900 euros par 1,8 donnant le même résultat de 1 620 euros, le plafond de ressources restera le même et, par conséquent, l’augmentation de l’AAH n’aura aucun impact pour les allocataires vivant en couple.

Pas un minimum social comme les autres

Dans leur proposition de loi, les sénateurs réaffirment que le mécanisme de calcul de l’AAH « ne doit pas être le même que celui du RSA puisque son contenu et sa raison d’être sont différents. En effet, l’AAH est versée quand on atteint un certain degré d’invalidité et que l’on ne peut pas, à cause de cette invalidité, disposer de ressources suffisantes liées au travail. Ce n’est en aucun cas un minimum social comme un autre. » Affaire à suivre, sans garantie ! Mais le sujet a le mérite de s’inviter de manière de plus en plus récurrente à la fois dans le débat public et les instances politiques.

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