« Dans les pays où l’inclusion fonctionne, les professionnels médico-sociaux sont au cœur de l’école »


Publié le 04/06/18 – HOSPIMEDIA

Après avoir ouvert le congrès de l’Unapei à Lille, Sophie Cluzel revient pour Hospimedia sur les moyens et méthodes à mettre en œuvre pour réussir l’école inclusive. Une école qui doit travailler en synergie avec le monde médico-social. Elle annonce par ailleurs que les arbitrages sur le rapport Taquet-Serres seront rendus avant l’été.

Hospimedia : « Vous avez fait un tour d’Europe (Espagne, Suède, Danemark, Grande-Bretagne) et visité le Québec pour repérer les bonnes pratiques inclusives, quels enseignements en tirez-vous ?

Sophie Cluzel :Je me suis surtout concentrée sur les pratiques inclusives à l’école. D’ailleurs au Danemark et au Canada j’étais accompagnée du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Ce que l’on a observé c’est que dans tous les pays où l’inclusion fonctionne, les professionnels médico-sociaux sont au cœur de l’école et la coopération se fait naturellement au service du parcours de l’élève. C’est ce ce qui nous manque aujourd’hui en France. Il faut que les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) soient beaucoup plus intégrés dans les écoles pour éviter les ruptures de parcours des enfants et des parents qui sont souvent obligés de stopper ou de réduire leur activité professionnelle pour assurer les conduites vers l’accompagnement médico-social. L’inclusion ne peut s’arrêter à l’école, elle doit aussi comprendre les temps périscolaires et les accueils de loisirs [lire notre article]. Vivre dans le même monde que tout le monde dès la petite enfance, c’est ça une société vraiment inclusive.

H. : En France, l’école et le monde médico-social se sont historiquement construits sur des filières parallèles assez étanches…

S. C. : C’est vrai et dans certains lieux l’Éducation nationale et le monde médico-social ont encore du mal à se rencontrer. Nous allons développer des formations conjointes et modéliser les expériences qui marchent. Nous voulons renforcer la formation aux pratiques inclusives de tous les enseignants. Nous allons travailler avec les départements volontaires, le monde associatif. La volonté de travailler autrement existe. À nous d’être assez imaginatifs pour faire tomber les murs et les carcans institutionnels. Je crois aussi beaucoup au levier que va représenter l’école obligatoire dès trois ans.

H. : En septembre, vous vous étiez engagée à revoir la question du statut des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dans l’année. Vous avez pris du retard ?

S. C. : On y travaille tous les jours. C’est un chantier copartagé avec Jean-Michel Blanquer. Nous allons pouvoir annoncer très bientôt l’assouplissement des problématiques de recrutement car je le rappelle ce n’est pas pour des rasions budgétaires — le budget a été sanctuarisé — , mais bien pour des problèmes liés au manque de candidat ou à l’inadéquation entre les critères de recrutement et les candidats potentiels que nous n’avons pas été en mesure de proposer tous les temps d’accompagnement auxquels les élèves avaient droit. Nous allons également développer un plan de promotion avec une vraie communication sur l’attractivité du métier. Sur le temps de travail, le temps de l’école ne permet pas un 35 heures donc il nous faut trouver les moyens de permettre à ces personnes de compléter leur salaire, notamment sur les temps périscolaires et l’insertion professionnelle avec l’emploi accompagné. On a une vraie possibilité de créer un métier d’accompagnant tout temps de vie. On réfléchit aussi à des formations en binôme avec d’autres professions qui accompagnent autour.

H. : Le mouvement associatif qui s’était réuni au sein des états généraux de la déficience intellectuelle s’inquiète du manque d’engagement du Gouvernement sur cette question. Que lui répondez-vous ?

S. C. : Je ne ferai pas un grand plan de la déficience intellectuelle mais la stratégie autisme au sein des troubles du neurodéveloppement va servir totalement la stratégie déficience intellectuelle. On est sur le même front. J’ai analysé l’enquête que les états généraux m’ont remise. Elle montre les manques de dialogue entre les différentes professions qui interviennent auprès des personnes. Là encore je crois qu’il faut développer les formations conjointes. Nous avons également un énorme chantier à mener autour de l’accompagnement à l’expression de la personne.

H. : Que va devenir le rapport Plus simple la vie d’Adrien Taquet et Jean-François Serres ?

S. C. : Je tiens d’abord à saluer le travail accompli. L’approche est novatrice en ce qu’elle part du réel, et non plus des structures existantes, pour replacer la personne au centre. En se fondant sur les attentes et les parcours de vie des personnes, cette méthode permet d’évaluer les besoins. Aujourd’hui, la Direction générale de la santé (DGS) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) sont en train d’examiner toutes les propositions et d’évaluer leur impact. Avant le début de l’été, nous nous engagerons sur le choix des propositions retenues et le calendrier de la mise en œuvre. »

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