Courrier électronique reçu le 3 juillet 2018 :

Monsieur,

Vous avez bien voulu, et je vous en remercie, me faire part de votre hostilité aux dispositions contenues dans l’article 18 du projet de loi ELAN.

Etant porte-parole de mon groupe sur ce texte, j’ai eu l’occasion d’intervenir plusieurs fois contre le dispositif prévu que ce soit en commission ou en séance.

C’est ainsi que j’ai déposé un amendement de suppression de cet article 18, dont voici l’argumentaire :

« Le projet de loi prévoit de modifier les règles en matière d’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs afin de substituer, en partie, à l’obligation de produire des logements accessibles une obligation de produire des « logements évolutifs ».

Plusieurs organisations représentatives des personnes en situation de handicap et de lutte contre l’exclusion, ainsi que le conseil national consultatif des personnes handicapées ont exprimé, en vain, leur totale incompréhension sur ce dispositif.

De plus, elles sont en incohérence totale avec les autres politiques publiques engagées par le gouvernement (transformation de l’offre de services des personnes en situation de handicap, développement de l’habitat inclusif, de l’hospitalisation à domicile et en ambulatoire, …) ainsi qu’avec le vieillissement de la population. Le projet de loi prévoit en effet de réduire à 10 % le nombre des logements neufs accessibles, au lieu de 100 % aujourd’hui, ce qui constitue une grave régression sociale.

Il condamnerait alors les personnes en situation de handicap et âgées à ne plus pouvoir accéder qu’à un peu plus de 2.000 logements neufs chaque année. L’introduction de ce quota de logements est en outre discriminatoire et en contradiction avec le droit des personnes à choisir librement leur lieu de vie (article 19 de la Convention de l’ONU relative au droit des personnes handicapées, pourtant ratifiée par la France en 2010). »

J’ai aussi déposé et défendu un amendement de repli appelant à une description précise de la notion de « logements évolutifs » ». Cette définition s’impose si on veut que la norme soit appliquée et respectée lors des constructions ou des rénovations.

J’ai développé en séance cette argumentation : « Vous demandez la possibilité de faire évoluer l’appartement : la personne qui se retrouverait en fauteuil roulant continuerait ainsi à pouvoir entrer dans les toilettes et se servir des différentes pièces. Mais pour rendre cette évolutivité possible, le constructeur doit prévoir les surfaces adéquates. Il n’y aura donc ni surface en moins ni gain de coût. Je pense que certains pourraient même, de façon subtile, rogner un peu de surface, et ce sont les acquéreurs qui se retrouveront alors face à un problème, quelques années plus tard, quand leur locataire ou eux-mêmes devront faire évoluer le logement.

Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne voie. Nous sommes là pour donner un élan à la construction de logements plus accessibles, plus adaptés au vieillissement de la population. Cela demande de prendre pour base notre socle technique universel en matière d’accessibilité, qui fait notre fierté, pour ensuite avancer vers l’évolutivité, qui va plus loin encore – car il n’y a pas que la surface qui compte.

Menons un débat de fond, pas un débat tronqué. Non seulement votre proposition ne répond pas aux objectifs de votre texte, mais elle peut être contreproductive. On est en train de demander aux bailleurs sociaux d’accueillir un public qui a besoin de logements à l’accessibilité facilitée, aux promoteurs d’offrir des logements adaptés au vieillissement, et on leur dit en même temps de ne pas le faire ! »

Conscient de l’impact négatif de ces dispositions, j’ai bien l’intention de continuer à me battre lors de la poursuite de la navette parlementaire.

Restant à votre disposition, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

 

Thibault BAZIN

Député de Meurthe-et-Moselle

PS Je vous remercie de bien vouloir transmettre cette réponse aux autres cosignataires

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