Le mardi 30 juin 2020.

Le Collectif Handicap 54 est une instance informelle qui regroupe aujourd’hui 36 associations de Meurthe-et-Moselle, chacune traitant d’un type de situation de handicap particulier.

Fort de cette diversité, nous nous réjouissons de la décision du gouvernement d’ouvrir simultanément 2 chantiers dont les préoccupations concernent en particulier les Personnes en Situation de Handicap et leur famille : le « Ségur de la santé » et la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale nommée « 5e risque » qui, après avoir été de nombreuses fois reportée, suscite l’espoir.

En effet, il est impératif de décloisonner les problématiques liées à la santé et celles de l’accompagnement médico-social.

Partant du constat que la crise sanitaire du Covid-19 a remis en exergue et parfois aggravé des difficultés dans ces deux champs, les associations souhaitent participer aux débats qui nourriront les réflexions du Parlement.

1. Un accès aux soins toujours difficile pour les PSH.

Les difficultés récurrentes d’accès aux soins, à l’hôpital, en ville ou à domicile, voire un tri à l’arrivée aux urgences ont conduit à des ruptures de parcours et donc à une dégradation de l’état de santé des personnes.

Cette crise a de nouveau montré l’importance d’un personnel hospitalier et/ou médico-social suffisant et qualifié dans l’accueil, la prise en charge et l’accompagnement des personnes en situation de handicap, y compris avec le matériel adapté. En outre, il est plus qu’urgent de développer une formation adaptée à tous les métiers sanitaires.

2. La fin d’une discrimination par l’âge dans l’accompagnement des situations de handicap

Concernant la création du 5e risque de la sécurité sociale, un autre cloisonnement par l’âge serait une grave erreur.

Comme prérequis, il nous semble important de rappeler la définition du handicap comme le conçoit depuis 2001 l’Organisation Mondiale de la Santé (CIF) : le handicap n’est pas un attribut de la personne. Il résulte d’une situation particulière où des facteurs individuels et environnementaux interagissent. Ils aboutissent à des difficultés ou impossibilités à réaliser des activités essentielles de la vie courante, et ainsi exercer une totale citoyenneté.

La loi du 11 février 2005 s’en est largement inspirée et avait prévu dès 2010 la disparition de la barrière d’âge de 60 ans. Cette dernière est en effet un obstacle à une pleine et entière compensation pour continuer à vivre là où ils le souhaitent.

C’est pourquoi nous réclamons depuis lors la suppression effective de cette barrière par l’application de son article 13 et la création d’une prestation de compensation, universelle et personnalisée. Elle doit donc se concevoir sans discrimination d’âge ou de lieu de résidence, et se baser sur les besoins exprimés par les personnes, et non pas sur une politique de l’offre. Il conviendra d’intégrer un volet prévention. En accord avec l’ensemble de ces principes, un financement à la hauteur des enjeux sera indispensable.

3. Besoins qui exigent des propositions concrètes

L’évaluation des situations de handicap doit être fondée sur les recommandations de la Convention Internationale des Droits des Personnes en situation de Handicap, que la France a signée. Il y a par conséquence urgence à reconnaître et financer la compensation de besoins qui ont jusqu’ici été laissés de côté   :

  • L’aide à la préparation des repas.
  • L’aide à l’environnement, incluant les tâches domestiques (ménage, entretien du linge, vaisselle, etc.).
  • La suppression du plafond de 3 heures pour la surveillance des personnes dont la situation l’exige.
  • L’aide à la parentalité pour les parents en situation de handicap.
  • Nécessité d’une évaluation et d’une réponse propre aux situations de handicap invisibles notamment psychiques, intellectuelles, cognitives et/ou sensorielles dont l’ensemble des besoins est loin d’être reconnu et compensé.

Parallèlement, la revalorisation de l’accompagnement à domicile est une nécessité absolue. Ce secteur est depuis trop longtemps le parent pauvre des mécanismes de compensation. Malgré la présence de ces professionnels en première ligne, ces métiers restent déconsidérés : il s’agit donc de les rendre durablement plus attractifs pour répondre à la réalité des besoins. Cette revalorisation doit comprendre une véritable progression de carrière passant nécessairement par une meilleure rémunération, mais également par un meilleur accès à la formation initiale et continue des professionnels. Une formation, un soutien et des solutions de répit doivent être proposés aux aidants.

Les restes à charge sont encore trop importants et variables selon les départements, pour accéder aux moyens de compensation du handicap (aides techniques, aides humaines, aménagement du logement et du véhicule…) : besoin d’une équité nationale avec une compensation intégrale (abolition du reste à charge).

L’accessibilité de la cité est encore loin d’être effective : le contrôle et la mise en application des Agendas d’Accessibilité pour les Établissements Recevant du Public, la voirie et les transports en commun nécessitent l’application de mesures coercitives pour ceux qui ne respecteraient pas leurs engagements. L’accessibilité universelle, autrement dit l’accès « à tout pour tous » doit faire l’objet de politiques publiques concrètes volontaristes et ambitieuses dépassant la simple notion de recommandations.

L’offre de logements est toujours insuffisante, ce qui est un obstacle au projet de vie autonome. Tous les logements neufs doivent être accessibles et/ou adaptables, afin que chacun ait la liberté de vivre et de visiter qui il le souhaite.

La politique de l’habitat inclusif doit être vivement encouragée par la promotion de ce type d’habitat et l’assouplissement des conditions de mise en œuvre. De telles formules permettent en effet de concilier l’existence d’un libre « chez soi » avec la nécessaire sécurité qu’offrent les services d’accompagnement et d’aide qui y interviennent.

4. Pour une nouvelle gestion de l’accompagnement de toute situation de handicap : un financement et une gouvernance

Le CH 54 considère que le projet évoqué de doublement du jour de solidarité n’est pas opportun. Sa charge reposerait en effet exclusivement sur les salariés. De plus, les fonds ainsi collectés ne seraient pas à la hauteur du défi aujourd’hui posé par le financement de la compensation de toutes les situations de handicap.

Pour cette même raison, le CH 54 se déclare également hostile à toute forme de récupération des aides accordées sur le patrimoine de la personne bénéficiaire ou des obligés alimentaires.

Le CH 54 considère enfin que la gouvernance de tout dispositif de compensation devrait naturellement revenir à la CNSA au niveau national, en raison des compétences qui sont déjà les siennes, et au niveau local aux départements en s’appuyant sur les Conseils Départementaux de la Citoyenneté et de l’Autonomie (CDCA) pour une adéquation locale entre les problématiques et les politiques publiques.

5. Conclusion

Pour tous les motifs exprimés plus haut, le CH 54 se prononce en faveur du financement complet et pérenne de la compensation de toute situation de handicap, quel que soit l’âge, par la solidarité nationale, sans reste à charge, sans recours à la succession et l’assurantiel. Ce financement doit trouver son origine dans une contribution généralisée et équitable sur l’ensemble des revenus.

En créant une cinquième branche de protection sociale « autonomie », nous sortons d’une logique d’aide sociale pour tendre vers un financement par la solidarité nationale et atteindre enfin l’objectif initial de la loi 2005, à savoir l’égalité des droits et des chances, la participation sociale et la citoyenneté des personnes en situation de handicap.

Les 36 associations du Collectif Handicap 54 : AEGE – AEIM – AFA – AFM – AFTC – AGI – Agir pour nos Enfants – France Rein – ALAGH – ANCC – ANPEA – APAJH – APEAH JB THIERRY- APEDYS – APF – APPT – Asperger Lorraine – Cercle des Sourds – Collectif Polyhandicap – ENSEMBLE – ESAPH – ESPOIR 54 – FNATH – France AVC Lorraine – GIAA/apiDV– GIHP – Polio France – Handi’Cap – IRIS – RETINA – SISU – SurdiLorraine – Trisomie 21 – UNAFAM 54 – URAPEDA – VAAMM.  

Copie envoyée à

  • Olivier VERAN, ministre de la santé et des solidarités.
  • Sophie CLUZEL, secrétariat d’État aux personnes en situation de handicap.
  • Gérald DARMANIN, Ministre de l’Action et des Comptes publics.
  • Jacques TOUBON, Défenseur des Droits.
  • Jean ROTTNER, président de la région Grand Est.
  • Les parlementaires du département de la Meurthe-et-Moselle.
  • Arnaud DE BROCA, Président de Collectif Handicaps.
  • Éric FREYSSELINARD, préfet de Meurthe-et-Moselle.

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