Extrait :

« Eu égard aux changements rapides qui ont eu lieu dans le champ du handicap en France et en Allemagne au cours des dernières décennies, on comprendra peut-être mieux pourquoi le « droit au travail » n’est pas une évidence, tandis que, à la fin des années 2000, « le système allocataire [était] désincitatif pour l’insertion professionnelle [des personnes handicapées] » (Stiker, 2009, p. 109). En raison du cumul possible d’allocations, les avantages fiscaux, etc., on peut la cas échéant avoir tout intérêt à garder une « étiquette » de personne handicapée plutôt que d’avoir un emploi salarié à petit salaire, du reste chronophage et qui empiète sur du temps de vie où l’on pourrait s’investir à un niveau purement citoyen dans une activité intellectuelle, artistique, associative voire militante : « le seul argument pour malgré tout choisir le travail devient la fierté et la dignité de sa propre image. Mais précisément, cet argument est si fort que la majorité des personnes handicapées qui s’en sent capable cherche un emploi » (Ibid., p. 110). L’emploi salarié, en tant que temps de travail, rémunéré et quasiment réduit à l’état de marchandise, doit-il aujourd’hui être encore considéré comme une situation désirable, synonyme de droits sociaux, de sécurité sociale et matérielle et garantissant « une reconnaissance sociale et la citoyenneté concrète » (Ibid., p. 109) ? Ne serait-il pas plutôt temps de remettre en cause
la centralité du travail rémunéré pour la définition identitaire de l’individu dans ses dimensions citoyenne et personnelle (Stiker, 2009), que celui-ci soit d’ailleurs en situation de handicap ou pas ? Dans cette logique, certains auteurs (Grover et Piggott, 2015) considèrent que l’idéal d’une société pleinement inclusive, où tout serait accessible à tous peut et doit aussi passer par une remise en question de la valeur du travail et de son statut, mais aussi des systèmes de valeurs sous-jacents à la délimitation devenue peut-être obsolète d’une « population », les personnes en situation de handicap, dont chacun et chacune, un jour, fera partie. »

Anne-Laure FONTAINE – Mémoire de l’Université de Rennes 1, de l’Ecole des Hautes Etudes
en Santé Publique & de l’Université Rennes 2 – 2020-2021

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