Paris, le 27 avril 2023. La Conférence Nationale du Handicap (CNH) 2023 s’est tenue ce mercredi après-midi en l’absence du Collectif Handicaps et d’une part importante de ses membres. Malgré des mesures intéressantes, le discours du président de la République, n’arrivant souvent pas à dépasser les déclarations d’intention, déçoit par son flou et l’absence d’une programmation budgétaire pluriannuelle.

En effet, l’allocution du président de la République a davantage ressemblé à un catalogue de mesures catégorielles qu’à la présentation d’une vision globale de la politique du handicap, fondée sur des orientations et financements pluriannuels, englobant tous les domaines de la vie sociale et partant des besoins et attentes des personnes concernées. Avec ce discours qui ne répond que de manière très parcellaire à la récente décision du Conseil de l’Europe, nous sommes très loin de l’approche par les droits réclamée par les associations.

Dans le domaine de l’accessibilité, alors que le président de la République reconnaît que la France est en retard et « qu’il faut accélérer », les annonces semblent peu volontaristes : d’une part, il reporte la mise en œuvre de sanctions à un délai d’au moins un an ; d’autre part, les fonds territoriaux d’accessibilité sont à peine précisés et, selon le dossier de presse, ne seront mis en place qu’en 2025… Par ailleurs, un certain flou réside sur les 1,5 milliard d’euros annoncé, somme effectivement sans précédent et qui semble importante mais se révèle relativement faible, si elle doit couvrir l’accessibilité des établissements recevant du public, mais aussi, selon certaines déclarations, des transports… Pour donner une idée, cela ne représente à peu près que 1500 euros par ERP non accessible…

Les délais semblent également très éloignés pour l’accessibilité des gares (et encore pas toutes !) et des sites internet. Pendant ce temps, les personnes handicapées continueront à être exclues, avec la passivité du gouvernement.

En matière de scolarisation, le dossier de presse présente des mesures qui actent la volonté d’une plus grande responsabilité de l’Éducation nationale en matière de pédagogie et d’accès à l’éducation. Mais, alors qu’elles appellent à une meilleure coopération entre l’Education Nationale et le secteur médico-social, les associations s’inquiètent vivement que l’évaluation des besoins d’aide et de compensation des élèves handicapés soit confiée à l’Education Nationale, et non aux MDPH – ce qui est contraire à la loi de 2005. Par ailleurs, il est annoncé que les AESH pourront accéder à un temps plein en assurant notamment des accompagnements sur les temps périscolaires et de loisirs, mais la fusion annoncée avec les assistants d’éducation et la création d’un nouveau métier, qui répond à certaines demandes associatives, devra être discutée avec toutes les parties prenantes.

Si la CNH acte la nécessité de renforcer la compensation du handicap, cela ne va clairement pas assez loin : alors que le Collectif Handicaps demandait la levée de la barrière d’âge pour pouvoir bénéficier de la prestation de compensation du handicap (PCH) et une revalorisation de l’ensemble des éléments de la PCH, les propositions se limitent à l’augmentation de la PCH « emploi direct » et au « remboursement intégral des fauteuils roulants ». Cette dernière mesure risque d’ailleurs de ne s’apparenter qu’à de la poudre aux yeux en se limitant au remboursement des fauteuils de base peu adaptés aux besoins individuels.

S’agissant des ressources des personnes en situation de handicap, il aurait été plus qu’opportun, dans ce contexte de forte inflation, d’annoncer la revalorisation de l’AAH a minima au niveau du seuil de pauvreté – demande formulée à de nombreuses reprises par les associations.

Concernant l’offre médico-sociale, le Président annonce la création de 50 000 solutions médico-sociales nouvelles d’ici 2030 (soit moins de 10 000 par an et 500 mesures nouvelles par département sur six ans), sans que l’on en sache beaucoup plus. Le Collectif Handicaps regrette que sa demande de création d’un observatoire des besoins ait été écartée : recueillir des données sur les besoins des personnes et des familles et aidants dans les territoires devrait être le point de départ de toute politique d’amélioration de l’offre médico-sociale : sans cela, comment savoir si ce nombre de solutions nouvelles répond vraiment à la demande… Cette annonce porte d’ailleurs sur une période qui dépasse la fin du quinquennat, s’apparentant d’autant plus à des déclarations d’intention.

Le Collectif Handicaps rappelle que les situations de handicap sont plurielles et nécessitent, de ce fait, des réponses plurielles, de qualité et en nombre suffisant. Clairement, certains types de handicap, tels que le handicap psychique, l’autisme, le polyhandicap, les handicaps complexes…, sont à peine évoqués dans ces mesures. Une nouvelle exclusion inacceptable qu’il conviendra de combler rapidement.

Nous constatons également que certaines annonces faites dans le discours ne se retrouvent pas dans le dossier de presse, telles que la publication du décret sur l’accessibilité des lieux de travail au mois de juin ou encore l’aide à l’attractivité des métiers du médico-social, alors même que la crise des métiers de l’accompagnement est à son paroxysme.

Les contradictions entre le discours officiel et le dossier de presse, ainsi que l’imprécision des mesures, confirment le Collectif Handicaps dans sa demande de report de la CNH : cela aurait été l’occasion de mieux travailler certaines annonces et de répondre plus clairement à tous les enjeux soulevés par la décision du Conseil de l’Europe.

Nous espérons que le comité de suivi annoncé par le président de la République permettra d’organiser un dialogue constructif sur tous les champs et avec toutes les parties prenantes, dont les associations représentantes des personnes en situation de handicap, quelle que soit leur situation de handicap, ainsi que de leurs famille et aidants. Le Collectif Handicaps est prêt à y participer et à y contribuer activement, à condition qu’il ait pour objectif de répondre enfin aux besoins immenses et trop souvent négligés des personnes en situation de handicap et qu’il s’organise dans un véritable esprit de transparence et de co-construction.

D’ailleurs, n’inversons pas les responsabilités de ce rendez-vous manqué : contrairement à ce qu’a dit le Président de la République, si le Collectif Handicaps et la majorité de ses membres n’ont pas participé à la CNH, ce n’est pas pour éviter les échanges. Au contraire, le Collectif Handicaps a pris cette décision parce qu’il avait largement travaillé à la préparation de cette CNH sans pour autant avoir de retours sur les arbitrages présidentiels et parce que, préférant un discours solennel, le Président n’a pas voulu d’un échange public avec nos membres.

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Source : https://www.collectifhandicaps.fr/espace-presse/cnh-2023-des-declarations-dintention-qui-ne-repondent-pas-a-la-decision-du-conseil-de-leurope/

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