Un diagnostic difficile, de nombreuses pathologies, un suivi multidisciplinaire, une prise en charge spécialisée et précoce… Voilà les principales caractéristiques du polyhandicap.
Les personnes handicapées nécessitent un suivi très étroit, multidisciplinaire, tout au long de la vie (illustration).
Résumé Le polyhandicap relève d’étiologies multiples, souvent génétiques, et les signes apparaissent en général progressivement. Il est ainsi fréquemment difficile, chez le tout-petit, de faire le diagnostic différentiel avec un retard simple de développement. Les personnes polyhandicapées présentent des tableaux cliniques complexes et nécessitent un suivi très étroit, multidisciplinaire, tout au long de la vie. Ces différents points ont été explicités lors du VIDAL Live du 24 février dernier, consacré aux spécificités de l’accompagnement de la personne polyhandicapée, en présence des Drs Bénédicte Gendrault (médecin-pédiatre, HandiConnect.fr), Marie-Christine Rousseau (chercheur, thématique polyhandicap, faculté de médecine Timone, Marseille), Bruno Pollez (médecin MPR [médecine physique et réadaptation], Groupe Polyhandicap France [GPF], Association Ressources Polyhandicap Hauts-de-France [ARP-HdF]), et François Trémolières, infectiologue et interniste. |
Le polyhandicap est l’une des familles de handicap défini par la loi du 11 février 2005 : « Constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne, en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».
Le polyhandicap est une situation de vie très précise, celle des personnes qui présentent « un dysfonctionnement cérébral précoce ou survenu au cours du développement (période prénatale, périnatale ou post-natale jusque vers 2 ans), ayant pour conséquence de graves perturbations, à expressions multiples et évolutives, de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain. Ceci engendre une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale, au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent aussi présenter, de manière transitoire ou durable, des signes de la série autistique » (décret 982 du 9 mai 2017).
La prévalence du polyhandicap est estimée entre 0,7 et 1,28/1 000 habitants. Le problème du calcul de la prévalence est celui de la reconnaissance du terme « polyhandicap », souvent inclus dans le vocable « paralysie cérébrale » (cerebral palsy chez les Anglo-Saxons), dont il est le stade le plus sévère.
Les causes génétiques prédominent
Les étiologies anténatales, dominées par les causes génétiques, syndromiques ou non, sont les plus fréquentes, suivies des causes périnatales et enfin post-natales. Les progrès de la génétique et de la neuro-imagerie permettent aujourd’hui de préciser l’origine de formes anténatales jusqu’alors non étiquetées. Ainsi, un diagnostic étiologique est aujourd’hui porté dans plus de 80 % des cas.
Dans l’enquête nationale Eval PLH, menée en 2015 sur une cohorte de 900 personnes polyhandicapées âgées de 3 à 68 ans, ayant pour objectif de caractériser le polyhandicap et son impact sur les aidants, soignants et parents, l’étiologie du polyhandicap était connue dans 88 % des cas. La moitié d’entre elles était génétique ; un tiers étaient acquises, soit in utero (exposition aux rétinoïdes, à la Dépakine, à l’alcool), soit en per ou post-natal (anoxie pernatale ; anoxie accidentelle de l’enfant ; infections dont les méningoencéphalites). L’étiologie reste inconnue dans 12 % des cas, selon les études les plus récentes.
Les enjeux d’un diagnostic précoce
En raison de la diversité des causes, il n’y a pas de présentation typique du polyhandicap, mais plutôt un tableau qui apparaît de façon progressive. Le plus souvent, des parents consultent car ils trouvent que leur enfant ne se développe pas « normalement », « est trop mou, ne sourit pas comme les autres ». Si, parfois, l’interrogatoire retrouve, a posteriori, des éléments d’orientation (pathologies durant la grossesse, antécédents familiaux, etc.), bien souvent, il est impossible de faire la différence entre un retard simple de développement et un polyhandicap, au cours des premiers mois de l’enfant.
Dès que l’on observe un retard développemental, il faut avoir le réflexe de présenter très rapidement l’enfant à un neuropédiatre, ce qui lui donnera accès à une équipe pluridisciplinaire. Mais, en pratique, les délais de rendez-vous sont encore longs et, dans l’attente de cette consultation, il faut adresser l’enfant à un kinésithérapeute pour stimuler les acquisitions motrices et installer une relation d’accompagnement avec les parents. Le polyhandicap n’est pas une maladie, mais un état de santé, et il faut accompagner les parents.
Des particularités pour le suivi clinique chez l’enfant…
Dans l’enfance, à côté, notamment, des troubles tonico-moteurs et des troubles digestifs, l’épilepsie , souvent difficile à équilibrer , est une pathologie dominante et représente un facteur aggravant du polyhandicap et la première cause de décès.
Il est parallèlement important de dépister, prévenir, prendre en charge :
- les troubles orthopédiques (rachis, hanches, pieds, etc.) ;
- les déficiences visuelles et auditives, qui sont des « surhandicaps » compromettant les acquisitions ;
- les troubles de la croissance staturo-pondérale, car deux tiers des enfants ont une dénutrition qui fait le lit de nombreuses complications ;
- le reflux gastro-œsophagien, souvent sans traduction clinique typique, mais présent chez 75 % des enfants ;
- l’ostéopénie, qui peut être très précoce.
L’adolescence, marquée par la poussée de la croissance, s’accompagne d’une majoration des déformations rachidiennes.
Il ne faut par ailleurs pas négliger les retards pubertaires, l’absence d’imprégnation hormonale grevant le statut osseux. L’impubérisme peut être d’origine centrale, mais c’est surtout un bon marqueur de dénutrition.
… et chez l’adulte
Chez l’adulte, le tableau clinique est complexe avec, sur le plan neurologique :
- le plus souvent une quadriplégie ou quadriparésie, spastique et de degré variables, associée à une hypotonie axiale plus ou moins importante ;
- d’éventuels mouvements anormaux (dyskinésies, athétose) ;
- de sévères dystonies, parfois un syndrome cérébelleux.
En outre, plus d’une personne polyhandicapée adulte sur deux présente une épilepsie, pas toujours facile à équilibrer, pharmacorésistante dans la moitié des cas.
Les conséquences orthopédiques du polyhandicap sont importantes : dysplasies ou luxations de hanche, déformations sévères des pieds et des poignets, scoliose, cyphose. Les complications posturales et viscérales des déformations rachidiennes sont moindres depuis la réalisation d’arthrodèses après la poussée pubertaire. Sur le plan osseux, outre le risque d’ostéoporose, à prévenir systématiquement et à dépister, l’arthrose précoce de hanche est fréquente, secondaire aux luxations, subluxations et dysplasies.
Le reflux gastro-œsophagien persiste à long terme, exposant à un risque d’œsophagite douloureuse et délétère. Il existe aussi un ralentissement chronique multifactoriel du transit intestinal, entraînant une constipation, souvent rebelle, nécessitant des mesures préventives et curatives quotidiennes.
Les complications respiratoires du polyhandicap sont majeures et constituent la première cause de mortalité chez ces personnes adultes. Les fausses routes alimentaires ou salivaires, le reflux, favorisé par la gastroparésie et dont le contenu est éventuellement inhalé, sont fréquents. Ils sont à l’origine d’épisodes de surinfection bronchique itératifs, qui aboutissent à une dégradation inéluctable de la fonction respiratoire, déjà restreinte par les déformations du thorax et les troubles moteurs. La désaturation est rapide.
Sans oublier les troubles végétatifs avec, notamment, une température corporelle naturelle plus basse, des troubles de la microcirculation au niveau des extrémités, des troubles du sommeil et une dysynergie vésico-sphinctérienne dont les éventuelles conséquences sont à dépister par une échographie annuelle.
Une communication non verbale
La communication des personnes polyhandicapées se fait sur un mode non verbal , par le corps, les mimiques, le comportement, par des réactions végétatives, ou par un emballement des éventuelles dyskinésies ou une majoration de la spasticité. Elles ont du mal à exprimer leur douleur et à la localiser, et c’est aux soignants et à l’entourage d’être très vigilants et de s’aider des outils d’hétéroévaluation disponibles.
Ces personnes, très empêchées, puisqu’elles n’ont en général acquis ni la station assise autonome, ni la marche, ni la parole, et sont porteuses d’une déficience intellectuelle sévère à profonde, ont des capacités perceptives et émotionnelles d’une très grande richesse. Il faut encourager et respecter leur autodétermination.
Un suivi étroit
Polymédication, soins de rééducation, dont la kinésithérapie quotidienne, verticalisation, temps de liberté motrice sur tapis de sol, ergothérapie, psychomotricité, orthophonie, appareillages, suivi neuropsychologique (avec un nouvel outil d’évaluation, l’ECP [Evaluation cognition polyhandicap]), assistance totale pour tous les gestes du quotidien, etc. : les personnes polyhandicapées font l’objet de soins quotidiens de la part de tous les soignants, des parents et des différents intervenants.
À l’âge adulte, un bilan complet en consultation de MPR (médecine physique et de réadaptation) est nécessaire au moins une fois par an.
En matière de traitements, la polymédication est une source d’effets indésirables, qui viennent s’ajouter aux pathologies liées au polyhandicap. Toute prescription impose ainsi une évaluation de la balance bénéfices/risques.
Les acteurs du soutien et de l’aide
Des plateformes de coordination et d’orientation dédiées aux troubles du neurodéveloppement ont été créées pour pallier les délais de consultation en neuropédiatrie et ne pas retarder la prise en charge des enfants de moins de 7 ans. Concrètement, le médecin traitant ou le pédiatre transmet les éléments cliniques à une plateforme qui fera un premier bilan avec ces données, avant d’orienter l’enfant vers des professionnels de santé pour une intervention précoce et remboursée.
Les structures médico-sociales sont les principaux acteurs de l’accompagnement de la personne polyhandicapée :
– dans l’enfance : SESSAD (services d’éducation spéciale et des soins à domicile) ; IME (instituts médico-éducatifs)-EEAP (établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés).
– à l’âge adulte : MAS (maisons d’accueil spécialisées) ; SAMSAH (services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés.
En accueil de jour, en internat. La demande d’accueil dans ces structures est faite auprès de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées), qui prononce l’orientation.
Des séjours de répit sont proposés dans certains établissements, pour permettre aux proches aidants de faire une pause, notamment les parents (qui ont souvent une relation fusionnelle avec leur enfant polyhandicapé). C’est souvent l’occasion de refaire un bilan médical de l’enfant/adulte, afin d’ajuster traitements et modalités de prise en charge.
Il faut aussi se préoccuper de la santé des parents, qui présentent des pathologies chroniques dans 30 % des cas, et dont la vie est bouleversée dans ses différentes dimensions (physique, psychologique et sociale). Par ailleurs, ils sont à considérer dans toute consultation comme des experts indispensables, par leur connaissance et leur perception de leur fils ou fille polyhandicapé(e).
©vidal.fr
Pour en savoir plus
Vidal Live, 24 février 2021. Les spécificités de l’accompagnement de la personne polyhandicapée.
Petite bibliographie générale de base
- Ponsot G., Boutin A.-M., Brisse C. La personne polyhandicapée, Concept et besoins. CESAP, 2011.
- Inserm. Polyhandicaps sévères, chapitre 11, in Handicaps rares – Contextes, enjeux et perspectives, pp 321-347.
- Hirsch E., Zucman E. La personne polyhandicapée : éthique et engagements au quotidien, 504 p. Erès poche – Société – Espace éthique, 2015.
- Derouette C. Le polyhandicap au quotidien, 205 p, Esf-législatives, 2e édition, 2017.
- Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) générique polyhandicap, 126 p. DéfiScience – Filière de santé des maladies rares du neurodéveloppement, mai 2020.
- HAS. L’accompagnement de la personne polyhandicapée dans sa spécificité, préambule et 6 documents thématiques. Recommandation de bonne pratique. Mis en ligne le 3 novembre 2020.
- Camberlein P., Ponsot G. (sous la coordination de). La personne polyhandicapée. La connaître, l’accompagner, la soigner, 1 365 p, Dunod Ed., 2e édition, 2021 – en particulier : MC Rousseau Chap 71 Recherche et polyhandicap, p.1273-1297 et Chap. 72 Recherche : 3 études issues de la cohorte Eval-PLH ; une étude sur polyhandicap et Covid-19. p.1299-1313. Edition Dunod 2021, 2e édition. Juzeau D. (sous la direction de).Vivre et grandir polyhandicapé, 236 p., collection Santé Social, Dunod Ed., 2010.
- Derouette C. (sous la direction de). Aux côtés des personnes polyhandicapées, 256 p, L’Harmattan, 2011.
Fiches-conseils HandiConnect
Informations et conseils pratiques sur le suivi global d’un patient en situation de handicap : points de vigilance cliniques, comorbidités, accueil, outils et réseaux facilitants :
- Polyhandicap : définition et particularités
- Polyhandicap : prévalence et étiologies
- Polyhandicap : diagnostic
NB : HandiConnect.fr est un site ressource pour aider les professionnels de santé dans leur pratique quotidienne auprès des patients en situation de handicap porté par l’association CoActis Santé.
Sources : VIDAL et https://www.vidal.fr/actualites/27062-polyhandicap-les-cles-de-l-accompagnement.html?cid=eml_001332&print=&id=27062&permalink=polyhandicap-les-cles-de-l-accompagnement
En savoir plus sur Le Collectif Handicap 54
Subscribe to get the latest posts sent to your email.