Réflexion au sommet de l’Etat, rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, chroniques, etc., jamais le projet de « grande Sécu » n’a autant été débattu que ces derniers mois. En prévision des prochaines échéances électorales, d’avril et juin, France Assos Santé appelle cette réforme de ses vœux. Opter pour un unique système de prise en charge des dépenses de santé, en l’occurrence la Sécurité sociale, permettrait de réduire les inégalités d’accès aux soins. Explications et décryptage.  

« Instaurer un régime unique de sécurité sociale qui prenne en charge à 100 % toutes les dépenses de santé, sans diminution du panier de soins et avec suppression des dépassements d’honoraires. » C’est en ces termes que la demande de France Assos Santé figure dans son « document de campagne », fort de 20 propositions. Pour comprendre cette revendication, le point en deux questions.

Pourquoi un régime universel ?

Un chiffre pour commencer : 27. C’est le nombre de régimes spéciaux qui se juxtaposent au régime général des salariés et au régime social agricole (MSA).

Soit une authentique cacophonie et, au-delà, des inégalités de traitement, avec des socles de bases et de prestations différents, y compris en matière d’aides sociales.

Fonctionnaires, clercs de notaire, personnels de la RATP, employés de la SNCF, personnels de la Banque de France, membres des cultes, mineurs, etc., est-il juste que la prise en charge d’une personne dépende du corps de métier auquel elle appartient, voire de son lieu de résidence (le cas à part, et historique, de l’Alsace-Lorraine) plutôt que d’une nomenclature par type de soins et de maladies commune à tous les usagers du système de santé français ?

« À une époque, il y avait une justification à l’existence de ces régimes spéciaux, mais c’est beaucoup moins vrai aujourd’hui, souligne Féreuze Aziza, chargée de mission Assurance maladie à France Assos Santé. En 2022, en quoi, par exemple, un clerc de notaire a-t-il des besoins spécifiques par rapport à un employé de supermarché ou de la Banque de France… » Depuis, des textes de loi ont été votés, qui tiennent compte de la pénibilité au travail, selon les branches, sans parler de l’évolution des métiers.

Par ailleurs, les étrangers en situation irrégulière ne relèvent d’aucun régime d’assurance maladie, mais d’une prestation sociale, l’Aide médicale d’Etat (AME). « Celle-ci est du ressort du budget de l’Etat qui rembourse l’Assurance maladie pour les dépenses de santé qu’elle a engagées à ce titre. » Mais les bénéficiaires de l’AME ne peuvent pas accéder à tous les soins et doivent, pour d’autres, respecter des délais de carence, ce qui se traduit in fine par un taux de non recours de plus de 50 %, avec les risques que l’on peut imaginer en termes de santé publique.

Au final, la gestion de cet empilement de régimes est très coûteuse pour les caisses d’assurance maladie, qui doivent s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur, et très complexes pour les professionnels de santé.

Pourquoi une « Sécu » solidaire ? 

À l’heure actuelle, l’Assurance maladie obligatoire couvre près de 80 % des dépenses de santé – contre 13,4 % pour les assurances complémentaires santé. Quant à la part du reste à charge, qui revient aux ménages, elle est de 7 %. Nous souhaitons que la prise en charge par la Sécurité sociale soit de 100 %, au nom de la solidarité nationale. Soit un système à une seule entrée, contre deux actuellement.

« Cette mesure permet de lutter contre les inégalités sociales, dans le sens il y aurait une vraie redistribution, développe Féreuze Aziza. Les assurés sociaux cotisent en effet selon leurs ressources, ce qui n’est pas le cas avec les complémentaires santé. » Le critère, c’est l’âge et même parfois l’état de santé de la personne, notamment pour certains contrats d’assurance.

Résultat, aujourd’hui, les personnes les plus précaires, qui ne peuvent pas s’offrir une assurance complémentaire santé, sont aussi celles qui renoncent le plus aux soins, en raison d’un risque à charge trop élevé rapporté à leurs revenus. Sans oublier les personnes qui ne savent pas comment accéder à une assurance maladie complémentaire. Car s’il existe bien un dispositif appelé complémentaire santé solidaire, la complexité du système est telle que le taux de non recours est très important. En outre, le plafond fixé pour pouvoir en bénéficier, de 1 017 euros par mois, est inférieur au seuil de pauvreté qui est de 1 063 euros mensuels.

Or qu’observe-t-on ? Que ces personnes sont le plus souvent exclues des contrats de complémentaire santé collectifs, réservés aux salariés, en tout cas du privé, forcément avantageux – une part d’au moins 50 % prise en charge par l’employeur et la part restante déductible des impôts. Dernier point : en général, les entreprises négocient les contrats pour obtenir de meilleures garanties.

Exit, donc, les retraités (qui, eu égard à leur âge, ont les cotisations les plus élevées), les personnes en situation de handicap ou souffrant de maladies chroniques qui ne peuvent pas travailler (avec des restes à charge souvent élevés), les chômeurs et les travailleurs indépendants, qui doivent prendre une complémentaire santé individuelle au prix fort et non déductible des impôts.

« En conséquence, résume Féreuze Aziza, 89 % des personnes les plus pauvres ont une complémentaire santé, contre 95 % en population générale. »

Le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) atteste de ces inégalités dans son dernier rapport remis au gouvernement le 14 janvier dernier, où il définit ce que pourrait être cette « Grande sécu », qui ne s’articulerait donc plus avec les complémentaires santé, prévoyances et autres assurances. Le HCAMM estime que cette organisation à deux étages est « trop complexe » et « inégalitaire ». En outre, précise-t-il, le système actuel « ne garantit pas l’accessibilité financière pour tous à des soins essentiels ». Sans parler des frais de gestion jugés exorbitants, qui place la France au deuxième rang des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).1

L’occasion de rappeler que les économies générées par une « Sécu 100 % » seraient de 5,4 milliards d’euros – les frais de gestion et de marketing des complémentaires santé se montant à plus de 7 milliards. Quant à son objectif, il est bien de garantir un panier de soins essentiels, c’est-à-dire « déclarés comme pertinents, selon des critères d’évaluation qu’il faudra probablement redéfinir (actes inutiles, surmédication, service médical rendu pour les médicaments, tarification des actes, etc.) », indique Féreuze Aziza.

Outre la vérification de la pertinence des soins, il faudrait pouvoir aussi contenir le prix des médicaments et consacrer des moyens à l’éducation, la promotion et la prévention en santé.

1 www.securite-sociale.fr/hcaam

Source : https://www.france-assos-sante.org/actualite/la-grande-secu-la-garantie-dun-acces-aux-soins-plus-egalitaire/?utm_source=Sarbacane&utm_medium=email&utm_campaign=Hebdo%20n%C2%B08%20-%2025f%C3%A9v2022

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