HANDICAP : DES DROITS TOUJOURS BAFOUÉS !

MOBILISATION POUR LE RESPECT ET L’EFFECTIVITÉ DES DROITS POUR TOUS.

12 millions de personnes en situation de handicap et leurs familles voient toujours, en 2017 et en France, leurs droits fondamentaux bafoués dans tous les domaines de la vie et au quotidien, malgré la ratification en 2010 par la France de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées.

Le Comité d’Entente, qui regroupe au plan national 80 associations représentatives des personnes handicapées et de leurs familles, interpelle les candidats à l’élection présidentielle et aux législatives pour qu’ils prennent en compte cette réalité sociale indigne dans leur programme et leur communication.

Il demande aux candidats de :

  • définir leur vision de la
    place des personnes en situation de handicap et de leurs familles dans la
    société d’aujourd’hui,
  • détailler leurs
    propositions pour l’effectivité de leurs droits fondamentaux.

Cette vision et ces propositions doivent garantir aux personnes en situation de handicap et à leurs aidants une réelle participation sociale et une pleine citoyenneté, guidée par une approche inclusive et transversale de toutes les politiques publiques (éducation, emploi, santé, protection sociale, logement, transports, urbanisme …).

Les principes généraux de la Convention de l’ONU engagent les Etats signataires à garantir les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux, en respectant les obligations essentielles suivantes :

  • la dignité des personnes
  • la non – discrimination
  • la participation pleine et effective à la société                                         
  • l’acceptation et la singularité des personnes en
    situation de handicap l’égalité des chances
  • la conception et l’accessibilité universelle
  • le
    développement des capacités de chaque
    personne en situation de handicap et ce quel que soit son âge et son handicap
  • des réponses
    adaptées aux besoins des personnes handicapées, sans ruptures de parcours.

Ces principes et ces droits doivent se concrétiser dans le prochain quinquennat. Cela oblige le Président de la République, son gouvernement et les parlementaires à mettre dans les meilleurs délais notre législation en conformité avec les préconisations de la convention des Nations-Unies, à inscrire la politique du handicap parmi leurs priorités et à impulser, décider et mettre en œuvre des orientations fortes et garantissant l’équité territoriale.

Les chantiers de refondation du secteur médico-social ne doivent pas souffrir d’une remise en cause et doivent être poursuivis dans la continuité des travaux déjà engagés.

A cette fin, le Comité d’Entente propose sept lignes directrices indissociables et cumulatives pour lever les blocages à l’effectivité des droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles :

  1. Pour une action
    précoce, une éducation, une scolarisation et une formation répondant aux
    besoins et aux choix de la personne et des familles ;
  2. Pour un plan global
    sur l’emploi des personnes handicapées ;
  3. Pour un plan
    d’urgence de lutte contre la précarisation des personnes handicapées ;
  4. Pour une
    compensation qui réponde aux réels besoins des personnes ;
  5. Pour une politique de l’habitat
    garantissant le respect des aspirations des personnes handicapées et des
    familles ;
  6. Pour une politique
    globale de santé adaptée aux personnes handicapées ;
  7. Pour l’égalité des
    chances et la participation à la vie sociale des aidant-e-s.

Ces lignes directrices s’appuient sur les trois piliers essentiels à toute politique du handicap : l’accessibilité universelle[1], la compensation et la solidarité nationale. Afin de prévenir, de réduire  et/ou de compenser les situations de handicap, la mise en œuvre des mesures prises exige la promotion et la mise en place de nouvelles démarches partenariales pour soutenir et favoriser la participation active des personnes enrichies des enseignements de leurs expériences.

Le Comité d’Entente souhaite la poursuite des politiques menées en faveur de l’autonomie et de la citoyenneté des personnes en situation de handicap, et réitère son engagement pour une politique nationale construite avec les personnes sur la base de leurs expériences de vie pour partager les innovations et les pratiques inspirantes menées sur les territoires en France et en Europe.

Leur mise en œuvre exige une gouvernance renouvelée impliquant directement et en co-construction les associations représentatives des personnes handicapées et de leurs familles.     

  1. Pour une action précoce, une éducation, une scolarisation et une formation
    répondant aux besoins et aux choix de la personne et des familles

Nos constats

Le dépistage, l’accès au diagnostic et l’accompagnement précoces des enfants et jeunes en situation de handicap sont des éléments essentiels pour que chacun trouve sa juste place dans une société inclusive. L’éducation, la scolarisation d’un enfant doit le préparer à sa vie d’adulte. Des difficultés sont constatées, quels que soient le niveau et le cadre, ordinaire ou spécialisé, de scolarisation de la maternelle aux études supérieures : les disparités de la formation des enseignants, la non prise en compte de la spécificité des handicaps, le manque de soutien et d’accompagnement pérenne et professionnel dès la rentrée scolaire et au moment des transitions, l’accueil à temps très partiel, l’absence de projet personnalisé de scolarisation, le manque de dispositifs adaptés dans le secondaire et la formation professionnelle initiale et dans certaines filières d’enseignement supérieur, auxquels se rajoute l’usure des familles… 

Par ailleurs, la coopération entre les établissements spécialisés et l’Education nationale reste insuffisante et disparate.

Nos attentes

L’école doit être ouverte à tous les jeunes en développant l’accessibilité aux savoirs, aux apprentissages, à la formation professionnelle et en garantissant un parcours fluide et continu, sans barrière d’âge, adapté pour chaque jeune et respectueux de son choix et de celui de sa famille. Des réponses spécifiques doivent être apportées avec des moyens matériels et humains de qualité dans le cadre d’une école et d’un enseignement supérieur inclusifs, animés par des enseignants formés.

Les réponses apportées doivent prendre en compte tous les aspects de la vie de l’enfant et du jeune et de sa famille, au-delà des temps scolaires : un jeune handicapé n’est pas qu’un élève !

  • Pour un plan global sur l’emploi des personnes handicapées

Nos constats

L’accès au monde du travail en milieu ordinaire, protégé et adapté reste difficile, voire interdit, comme en témoignent le taux de chômage trop élevé et les listes d’attente aux portes des établissements. Le défaut de formation initiale et continue tout au long de la vie des travailleurs handicapés constitue un obstacle majeur. Le maintien en emploi reste aléatoire et rencontre de nombreux obstacles, par manque notamment de volonté ou de mesures appropriées. Les discriminations sont massives. Le pilotage des politiques d’emploi incluant la dimension handicap est insuffisant. En plus de ce contexte général, les deux fonds (AGEFIPH et FIPHFP) se retrouvent confrontés à des difficultés dans leur modèle économique, renforcées et accélérées par des ponctions importantes et régulières opérées par l’Etat. L’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap est rarement prise en compte dans les dispositifs.

Nos attentes

Afin de mettre en place des solutions pérennes et programmées sur la totalité du quinquennat, un plan sur l’emploi en milieux ordinaire, protégé et adapté doit être mis en place, après une large concertation, dès les premiers mois suivant les élections présidentielles. Il s’agit de définir les moyens humains et financiers nécessaires, les pilotes et les leviers.

Le dispositif d’emploi accompagné reste, d’une part, à clarifier dans sa mise en œuvre et, d’autre part, à renforcer et développer avec les moyens appropriés pour répondre aux besoins des bénéficiaires, per et employeurs.

Afin de garantir le financement des fonds pour le développement de l’emploi des personnes en situation de handicap, une concertation doit être rapidement menée pour en revoir le modèle économique et assurer le maintien de financements indispensables à l’accès et au maintien en emploi ainsi qu’à la formation tout au long de la vie.

  • Pour un plan d’urgence de lutte contre la précarisation des personnes
    handicapées

Nos constats

Plus d’un million de personnes en situation de handicap sont bénéficiaires de l’AAH dont le montant progresse très peu depuis plusieurs années et reste très en deçà du seuil de pauvreté. De plus, des centaines de milliers d’autres personnes en situation de handicap, bénéficiaires de pensions, de rentes ou d’un autre minimum social (RSA ou ASS), ont également des ressources très faibles. Or, pour la majorité de ces personnes, leur situation liée au handicap ou à leur maladie est irréversible et les prive de tout revenu du travail.

Leurs très faibles ressources ne leur permettent pas de faire face à des restes à charge de plus en plus importants relatifs à des dépenses liées à leur état de santé ou à des coûts spécifiques liés au handicap (aide humaine, aide technique, aménagement du logement ou du véhicule, …) ou d’autres dépenses indirectes (liées au déficit d’accessibilité notamment).

A la situation de handicap s’ajoute une situation de précarisation très inquiétante et qui touche également leur famille.

Nos attentes

Cette spécificité des personnes en situation de handicap doit impérativement être prise en compte dans la politique de lutte contre la pauvreté et de l’exclusion. Afin de rattraper les retards cumulés au fil des années, un plan d’urgence doit être mis en place pour permettre à toutes les personnes handicapées d’accéder à un revenu décent, tout en bénéficiant des aides nécessaires pour faire face aux dépenses liées à leur état de santé et de compensation de leur handicap notamment.

  • Pour une compensation qui réponde aux réels besoins des personnes

Nos constats

Le droit à compensation, pilier de la loi handicap de 2005, a constitué une réelle avancée. Pour autant, la prestation de compensation, dont les montants n’ont jamais été revalorisés depuis 2005, reste liée à des critères trop restrictifs au vu de la réalité des besoins (barrière d’âge, exclusion du champ de la compensation des aides aux activités domestiques, à la surveillance et à la parentalité, …). 

Les plans d’aide à compensation, notamment en matière d’aide humaine, sont la plupart du temps revus à la baisse, car définis dans une logique administrative ou budgétaire et non à partir d’une réelle évaluation des besoins.

Malgré la forte implication des associations, les MDPH, acteurs centraux pour l’accès aux droits et à l’orientation des personnes, ont des pratiques hétérogènes, en rupture avec l’égalité de traitement attendue sur tout le territoire.

Nos attentes

L’Etat, les départements et la CNSA doivent s’engager, en co-construction avec les associations, à garantir une compensation sans barrières d’âges et prenant en compte toutes les situations. Les MDPH doivent pouvoir, de manière homogène sur l’ensemble du territoire, remplir leurs missions, et disposer des moyens nécessaires à leur mise en œuvre.

  • Pour une politique de l’habitat garantissant le respect des aspirations
    des personnes handicapées et des familles

Nos constats

L’habitat, qui peut revêtir plusieurs formes, est le cadre à partir duquel les personnes se construisent et s’émancipent. Il doit être le tremplin vers une vie sociale, dont toutes femmes et hommes ont besoin.

Il manque une très large gamme de solutions d’habitat pour répondre aux aspirations des personnes handicapées à choisir leur propre mode d’habitat, quels que soient leur déficience ou leur degré de dépendance. La pluralité des besoins n’est pas prise en compte.

Nos attentes

Une très large gamme de solutions d’habitat, avec une palette suffisante de services ou d’accompagnement, doit être imaginée et co-construite avec tous les acteurs concernés sur un territoire.

Un plan doit être établi en urgence pour répondre aux besoins non couverts, afin de résorber les listes d’attente aux portes des établissements et services et de permettre de rapatrier les milliers de personnes handicapées exilées en Belgique qui le souhaitent.

  • Pour une politique globale de santé adaptée aux personnes handicapées

Nos constats

En plus des inégalités territoriales de santé, qui touchent l’ensemble de la population, les personnes handicapées se trouvent, en raison de leur handicap, encore trop souvent exclues des politiques de prévention, mais aussi de l’accès à des soins et à la santé. Les raisons en sont multiples : l’inaccessibilité de nombreux lieux et équipements de soins, le manque de formation de certains professionnels de santé, l’inadaptation de la prévention, l’absence d’accompagnement dans les soins, mais aussi les obstacles financiers qui conduisent trop de personnes à ne pas accéder, à reporter voire à renoncer à des soins… Des personnes handicapées sont également confrontées à des refus de soin.

L’absence de réponse de façon précoce et tout au long du parcours de vie entraîne des surcoûts humains et financiers importants, qui pourraient être évités.

Nos attentes

Une politique globale de santé pour les personnes handicapées, y compris dans les établissements médico-sociaux, doit être programmée dès le début du quinquennat afin de déterminer les objectifs à atteindre et les leviers d’action : la formation des médecins et des personnels de santé, l’accessibilité, l’adaptation et l’accompagnement des soins, l’adéquation des plateaux techniques à la réalité des besoins, la suppression des restes à charge, le remboursement des actes de soins nécessaires et liés au handicap, la lutte contre le non-recours aux droits, la réduction des effets de seuil (notamment CMU), …

  • Pour l’égalité des chances et la participation à la vie sociale des aidant-e-s

Nos constats

L’accompagnement des personnes en situation de handicap apporté par les aidant-e-s (majoritairement des femmes) s’exerce au long cours à tous les âges de la vie, au détriment de leur activité professionnelle, de leur vie sociale et bien souvent de leur santé.

Cet accompagnement est certes lié aux besoins de la personne, mais surtout étroitement dépendant de l’accès à l’offre de services en milieu ordinaire ou adapté. Face à cette carence d’offres et aux inégalités territoriales, toute conciliation entre vie professionnelle, sociale et responsabilités familiales est extrêmement compromise voire impossible.

Nos attentes

La contribution sociale des aidants à l’économie générale du handicap, dont ils ne sont que trop souvent la variable d’ajustement, doit être reconnue par un véritable statut de l’aidant, passant notamment par un droit à la retraite, l’affiliation gratuite à l’assurance maladie et une aide au maintien ou au retour à l’emploi…

POUR UNE CO-CONSTRUCTION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Nos constats

Les différentes politiques se juxtaposent sans veiller à leur articulation, malgré la transversalité et l’inter-ministérialité nécessairement attachées au handicap. Il en résulte parfois des dérives par rapport aux objectifs initiaux. L’impact de toutes les politiques sur les personnes handicapées reste insuffisamment pris en compte, ce qui ne facilite pas la lisibilité et la cohérence des politiques. La concertation avec les associations représentatives de personnes handicapées apparaît irrégulière, dépendante de la volonté des administrations et ministères et donc insuffisante.

Nos attentes

Seule une réforme profonde de la gouvernance peut permettre la mise en œuvre de l’ensemble des attentes et lignes directrices présentées ci-dessus au nom des associations représentatives des personnes handicapées réunies au sein du comité d’entente.

Cela nécessite une véritable co-construction des politiques avec les associations de personnes handicapées représentées par le Comité d’Entente, qui constitue un lieu de dialogue associant l’ensemble de la société civile.

Cette gouvernance profondément renouvelée doit se faire par des rencontres extrêmement régulières et planifiées avec chaque Ministre. Cela implique aussi une articulation plus claire entre les différents rendez-vous institutionnels qui vont s’échelonner tout au long du quinquennat. Une programmation dès le début du quinquennat doit être planifiée pour donner la cohérence et la transversalité indispensable aux politiques menées et dynamiser l’ensemble des ministères et des administrations.

Cette gouvernance doit également être renouvelée au plan régional et départemental.


[1] Voir le plaidoyer pour une France accessible – 2017 : http://collectifpourunefranceaccessible.blogs.apf.asso.fr/media/00/00/3834667536.pdf


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