Calendrier, contrôles, sanctions… Dans un décret, paru ce matin au Journal officiel, le gouvernement détermine « les obligations relatives à l’accessibilité des services de communication au public en ligne aux personnes handicapées (malvoyants, aveugles, handicapés moteur, ndlr) ». Première échéance le 23 septembre prochain, soit un an jour pour jour après la transposition dans le droit français de la directive européenne du 26 octobre 2016 (lire Maire info du 25 septembre 2018). L’objectif est de permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder, au même titre que les autres, « à tout type d’information sous forme numérique, quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation, en particulier les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique (les contenus audio et vidéo ne sont pas concernés, ndlr). » Le retard en la matière est conséquent : le premier délai de mise en conformité remonte à… 2008.
Les collectivités, parmi d’autres organismes, devront donc « attester du niveau d’accessibilité de leurs services de communication en publiant en ligne une déclaration d’accessibilité » avant le 23 septembre 2019 « pour les sites internet, intranet et extranet créés depuis le 23 septembre 2018 » ; à compter du 23 septembre 2020 « pour les sites internet, intranet et extranet créés avant le 23 septembre 2018 » et à compter du 23 juin 2021 « pour les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique ».
Un certain nombre d’éléments doivent figurer dans cette déclaration d’accessibilité, parmi lesquels « l’état du service de communication au public en ligne au regard de l’obligation d’accessibilité » et le schéma pluriannuel de mise en accessibilité, « qui est rendu public et décliné en plans d’actions annuels, et dont la durée ne peut être supérieure à trois ans ». Pour qu’un service en ligne soit reconnu accessible, il doit respecter quatre grands principes listés dans le référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RGAA) : la perceptibilité, l’utilisation, la compréhension et la robustesse.
« Charge disproportionnée »
Une dérogation à cette obligation est prévue par le décret : la mise en accessibilité des services de communication en ligne doit, en effet, être mise en œuvre par l’organisme concerné « dans la mesure où elle ne créé pas une charge disproportionnée » pour celui-ci. Cela peut être le cas, selon le décret, lorsque « la taille, les ressources et la nature de l’organisme concerné ne lui permettent pas d’assurer la mise en accessibilité », quand « l’estimation des avantages attendus pour les personnes handicapées de la mise en accessibilité est trop faible au regard de l’estimation des coûts pour l’organisme concerné, compte tenu de la fréquence et de la durée d’utilisation du service, ainsi que de l’importance du service rendu » ou encore quand « les contenus ou fonctionnalités qui ne sont pas rendus accessibles compte tenu du caractère disproportionné de la charge correspondante sont accompagnés, dans la mesure où cela est raisonnablement possible, d’une alternative accessible ».
Pour l’AMF, qui a émis un avis favorable au décret lors de son examen par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) le 9 mai, cette dérogation « permettra en particulier aux petites communes disposant déjà d’un site internet de justifier de la non accessibilité, tout en essayant de mettre en place des alternatives accessibles ».
Insuffisant, répondaient, au printemps, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et le Conseil national du numérique (CNNum) qui avaient consulté le projet de décret (conforme au décret). « Concrètement, toute organisation qui souhaitera se soustraire aux obligations en matière d’accessibilité de ses services numériques pourra vraisemblablement invoquer le fait que cela représente « une charge disproportionnée » pour elle, sans que l’on sache quelles ressources elle aura réellement mobilisées », déplorait le CNNum le 21 mai dernier dans un communiqué. Et de proposer « d’inscrire la possibilité pour les administrations de désigner un référent accessibilité sur le modèle du délégué à la protection des données pour le RGPD (par exemple : le responsable de la publication) ».
Des sanctions « dérisoires » ?
Au cas où il ne respecterait pas ces obligations, l’organisme peut disposer d’un ultime délai supplémentaire (qui peut s’étendre jusqu’à 8 mois). « Le montant de l’amende constituant la sanction administrative est fixé à 2 000 euros pour les communes de moins de 5 000 habitants, leurs groupements de moins de 5 000 habitants, les établissements publics exclusivement rattachés à un de ces groupements ou communes, ainsi que pour les opérateurs économiques au titre du service public qu’ils leur délèguent » et de « 20 000 euros pour les personnes autres », parmi lesquelles les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse le seuil de 250 000 euros. Une somme que le CNNum juge « dérisoire » au regard de la taille des entités concernées. Et ce dernier de déplorer : « la sanction ne porte pas sur le respect ou non des standards d’accessibilité, mais uniquement sur la présence ou non, sur le site, de la déclaration d’accessibilité. La nuance est technique mais importante : un site peu accessible sera déclaré conforme s’il l’a bien affiché (…) Force est de constater que l’accessibilité numérique est toujours un horizon lointain.
Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé, relayés en 2016 par RFI, plus d’un milliard de personnes vivent avec un handicap. Plus de la moitié d’entre elles sont concernées par l’accessibilité numérique, dont près de 100 millions en Europe et 12 millions en France.
Ludovic Galtier
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