L’une des ordonnances publiées ce 26 mars procède à la prolongation des droits ouverts sur certaines prestations (complémentaire santé solidaire, AME) et prévoit une avance sur droits pour deux minima sociaux : le RSA et l’AAH. Ainsi, en matière de handicap, qu’une prolongation pour six mois de l’accord de la CDAPH sur une série de droits et prestations : PCH, AAH, AEEH, CMI… Elle suspend en outre les délais régissant le recouvrement des cotisations et de contributions sociales non versées à leur date d’échéance. Également au JO du 26 mars, un décret portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale.

Avec un montant de 741 milliards d’euros en 2018, les prestations sociales jouent un rôle capital en matière sociale, mais aussi économique. Elles sont par ailleurs indispensables pour un grand nombre de familles aux revenus modestes. Or l’épidémie de Covid-19 menace le fonctionnement du dispositif. S’il n’y a pas d’inquiétude sur le paiement régulier de la très grande majorité des prestations sociales, largement informatisé et sur lequel les organismes de protection sociale ont pris des engagements, il n’en va pas de même pour certaines prestations soumises à condition de ressources en matière de santé, absolument indispensables en matière d’accès aux soins en cette période d’épidémie, ou certaines prestations sociales vitales pour des publics fragiles.

Complémentaire santé solidaire et aide médicale d’État

Afin d’éviter toute rupture de droits, une ordonnance n°2020-312 du 25 mars 2020 procède donc à la prolongation des droits ouverts sur certaines prestations. C’est le cas pour la complémentaire santé solidaire, qui a fusionné, le 1er novembre dernier, la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et l’ACS (aide à la complémentaire santé) et concerne potentiellement plus de dix millions de personnes. Les contrats en cours au 12 mars et expirant avant le 31 juillet sont ainsi prorogés jusqu’à cette date (sauf opposition du bénéficiaire), et cela sans modification tarifaire et pour le même niveau de prestations. La mesure concerne notamment tous les bénéficiaires du RSA, qui ont droit à la complémentaire santé solidaire sans participation financière. Elle s’applique aussi aux anciens titulaires d’un contrat ACS toujours en cours.

L’ordonnance prévoit également une prolongation similaire pour les bénéficiaires de l’AME (aide médicale d’État), qui couvre les personnes en situation irrégulière et ne pouvant donc accéder à la complémentaire santé solidaire. Les droits à l’AME arrivant à expiration entre le 12 mars et le 1er juillet sont prolongés de trois mois à compter de leur date d’échéance, afin de garantir la continuité de la couverture. En outre, l’ordonnance adapte les conditions d’attribution de la prestation, pour « tenir compte du fonctionnement perturbé des caisses de sécurité sociale du fait des mesures d’isolement ». En particulier, jusqu’au 1er juillet 2020, les modalités de la première demande d’AME sont alignées sur celle du renouvellement. Autrement dit, la mesure issue de la dernière réforme de l’AME et prévoyant une obligation de dépôt physique des primo-demandes (pour lutter contre la fraude) est suspendue jusqu’au 1er juillet 2020.

Avances sur droits pour l’AAH et le RSA

L’ordonnance n°2020-312 du 25 mars entend aussi « assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de pauvreté ». Pour cela, elle prévoit d’abord que les CAF et les caisses de MSA mettent en œuvre – « tant qu’elles sont dans l’incapacité de procéder au réexamen des droits à ces prestations du fait de la non transmission d’une pièce justificative ou de la déclaration trimestrielle de ressources » – une avance sur droits pour deux minima sociaux essentiels : le RSA et l’AAH. Ces dispositions sont applicables pour une durée de six mois à compter du 12 mars 2020. Le montant des prestations sera réexaminé à l’issue de ce délai, « y compris pour la période écoulée à compter de l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ».

Dans le même esprit de préservation des droits pour les publics fragiles, l’ordonnance prévoit aussi que les parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle (ne pas confondre avec le parcours d’insertion du RSA) arrivés à expiration entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 sont prolongés pour une période de six mois.

Règles bouleversées pour les MDPH et les CDAPH

L’ordonnance n°2020-312 vise également la situation des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées) et de la CDAPH (commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) qu’elles abritent. Ces structures sont en effet confrontées à des difficultés d’organisation et avaient déjà engagé, après accord entre l’État et l’ADF (Assemblée des départements de France), un certain nombre de mesures d’adaptation (voir notre article ci-dessous du 17 mars 2020).

L’ordonnance du 25 mars les entérine et va plus en loin, en prévoyant notamment une prolongation pour six mois de l’accord de la CDAPH sur une série de droits et prestations expirant entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 ou ayant expiré avant le 12 mars mais n’ayant pas encore été renouvelé à cette date. Cette prolongation prend effet à compter de la date d’expiration de l’accord en question ou à compter du 12 mars s’il a expiré avant cette date. Elle sera renouvelable une fois par décret (du ministre des Solidarités et de la Santé), sans nouvelle décision de la CDAPH ou, le cas échéant, du président du conseil départemental.

Cette prolongation concerne la quasi-totalité des droits et prestations délivrées par les MDPH : la prestation de compensation du handicap (PCH) versée et financée par les départements, l’AAH et le complément de ressources, l’AEEH (allocation d’éducation de l’enfant handicapé) et ses compléments, la carte mobilité inclusion (CMI), ainsi que « tous les autres droits ou prestations mentionnés à l’article L.241-6 » du Code de l’action sociale et des familles (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, orientation vers un établissement ou service, orientation scolaire…).

L’ordonnance précise aussi que toutes ces décisions « peuvent également être prises soit par le président de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, soit par une ou plusieurs de ses formations restreintes ». Dans ce cas, le président, de la CDAPH – qui peut être le président du conseil départemental ou son représentant – ou, le cas échéant, la formation restreinte rend compte régulièrement de son activité à la formation plénière et au plus tard dans un délai de trois mois à compter du 31 juillet 2020. Cette disposition, qui crée une dichotomie de fait, pourrait engendrer une certaine confusion, car rien n’est dit du contexte qui justifierait plutôt une décision formelle dans cette configuration ou, au contraire, une prorogation automatique des droits.

Par ailleurs, l’ordonnance autorise la commission exécutive de la MDPH – présidée, de droit, par le président du conseil départemental – à délibérer par visioconférence. Elle suspend aussi, à compter du 12 mars, le délai maximal de deux mois pour engager le recours administratif préalable obligatoire.

Références : ordonnance n°2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux (Journal officiel du 26 mars 2020).

Pour aller plus loin

Source : https://www.banquedesterritoires.fr/ordonnances-droits-proroges-pour-les-prestations-sociales-mdph-reorganisees-et-70-milliards-deuros


En savoir plus sur Le Collectif Handicap 54

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Laisser un commentaire