Le droit français relatif aux personnes handicapées ne conditionne pas le financement d’un hébergement à sa localisation sur le territoire national. Un peu plus de 7 000 adultes étaient hébergés en 2022 en Wallonie. Ce constat a conduit la Cour à y consacrer une enquête spécifique. Le présent rapport rend compte des résultats de ces travaux, qui ont comporté deux volets. Le premier, mené en France dans les trois régions principalement concernées, a permis de décrire le parcours des Français hébergés en Wallonie et de déterminer leurs caractéristiques communes. Le second volet a porté sur les conditions de développement de l’offre d’accueil wallonne au cours des 20 dernières années et sur l’actuel dispositif de contrôle des établissements wallons. Cette seconde phase de l’enquête a été conduite en collaboration étroite avec la Cour des comptes de Belgique, constituant une première expérience d’audit commun réalisé avec une institution supérieure de contrôle d’un autre État membre de l’Union européenne.
Un accueil ancien et croissant que les autorités françaises ont cherché à contenir
L’accueil de ressortissants Français handicapés dans des établissements de Wallonie s’explique principalement par une proximité géographique et linguistique avec la France, un cadre juridique longtemps moins strict que celui des opérateurs français. La création d’établissements en Belgique, facilitée par la certitude de pourvoir les places et de les savoir financées par la France, a attiré de nouveaux entrepreneurs parfois très éloignés du champ médico-social, aux côtés des opérateurs historiques. L’offre a crû continûment jusqu’à accueillir actuellement un peu moins de 8 200 Français (environ 7 000 adultes et 1 200 enfants, adolescents et jeunes adultes) représentant un coût pour les finances publiques françaises évalué par la Cour à 0,5 Md€ par an. Afin de maitriser ces dépenses, les pouvoirs publics ont poursuivi un double objectif : prévenir les départs en développant des réponses sur le territoire national ; contenir le développement de l’offre en contingentant le nombre de places autorisées et en encadrant le niveau des financements afférents. Le moratoire de 2021 a ainsi gelé l’offre au 28 février 2021 et permis le financement de plus de 1 800 solutions alternatives au départ en Belgique grâce à la délégation de 90 M€ aux agences régionales de santé (ARS) Grand Est, Hauts-de-France et Île-de-France. Toutefois, la majorité des solutions proposées a consisté en des services à domicile ou des places en hébergement temporaire. Ces solutions, conformes à la politique publique d’inclusion et de développement d’alternatives à l’institutionnalisation, ne sont toutefois pas adaptées aux situations des demandeurs d’une place en Belgique, qui nécessitent des prises en charge en hébergement permanent.
La population accueillie en Belgique dessine en creux les manques de l’offre française
La Cour a cherché à décrire la population adulte accueillie en Wallonie pour déterminer à quels besoins répondait l’offre belge qui ne trouvaient pas de réponse en France. L’analyse des données de recensement et d’un échantillon de dossiers de personnes hébergées en Wallonie permet d’en dresser une typologie. Si les publics accueillis en Belgique ne sont pas radicalement différents de ceux restés en France, on note cependant une surreprésentation de ceux qui ont le moins accès aux établissements et services médico-sociaux (ESMS) français. Un nombre important de personnes souffrant de troubles du comportement et de la conduite, associés à un handicap psychique ou à une déficience intellectuelle, sont ainsi présentes en Belgique. Leur accueil constitue une spécificité forte de l’offre belge. Les ruptures de parcours qui ont amené des Français à partir vivre en Wallonie ont également pu être documentées : passage à l’âge adulte sans place dans les ESMS français, présence depuis l’enfance en Belgique ou encore exclusion du secteur médico-social français en raison de troubles graves du comportement.
Des dispositifs de contrôle de l’utilisation des fonds publics français à renforcer
Dix ans après l’entrée en vigueur d’un accord-cadre entre les gouvernements français et wallon, signé en 2011, la Cour a réalisé une revue des procédures et des contrôles des établissements wallons accueillant des Français handicapés. Des manquements graves (maltraitance physique ou verbale, privation de nourriture comme punition, défauts de soins ayant parfois conduit au décès, denrées alimentaires avariées, rationnement des repas, bâtiments mal entretenus ou vétustes, défauts de surveillance avec mise en danger de résidents, négligence dans la distribution des médicaments, non-respect de l’intimité et de la vie privée, facturation indue avec les cartes Vitale des résidents, fraudes financières, etc.) ont été constatés dans plus de 60 établissements depuis 2015. Selon les autorités compétentes, les contrôles réalisés montrent que ces défaillances concernent chaque année une vingtaine de structures accueillant des Français handicapés. La répétition et la gravité de ces constats nécessitent, selon la Cour, une révision des modes de collaboration des autorités en charge de ce dossier de part et d’autre de la frontière. La Cour appelle également les autorités françaises à faire preuve de plus grande vigilance quant à la qualité et la sécurité de la prise en charge de ces résidents, qui doit être comparable à celles des établissements placés sous leur tutelle directe. Enfin, alors que plusieurs rapports d’audits ont mis en évidence des anomalies de gestion (versements de dividendes et de rémunérations très élevés, montages financiers complexes, etc.), le cadre juridique actuel ne permet pas aux autorités françaises de contrôler l’utilisation des fonds publics qu’elles versent aux établissements wallons accueillant des Français handicapés.
« Malgré d’importants risques liés à l’existence d’une pluralité de financeurs et de régimes juridiques applicables, ni la Cour des comptes française ni la Cour des comptes de Belgique ne disposent de la compétence pour contrôler directement l’utilisation qui est faite des fonds versés par les pouvoirs publics français et bénéficiant à des opérateurs privés accueillant des personnes handicapées en Wallonie », souligne Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.
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Source : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/laccueil-des-francais-en-situation-de-handicap-en-wallonie
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