Nouvel épisode dans le feuilleton de l’accessibilité française. La promesse d’ascenseurs à R+3 dans le neuf pourrait-elle être entachée par des dérogations pour raisons techniques ou économiques ? Mauvaise surprise à laquelle personne ne s’attendait!

3 juillet 2019 • Par Handicap.fr / Emmanuelle Dal’Secco

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Les ascenseurs français parviendront-ils à atteindre le 3ème étage ? En septembre 2018, Edouard Philippe annonçait qu’ils seraient désormais obligatoires dans les bâtiments neufs de trois étages et plus, contre quatre jusqu’à maintenant (articles en lien ci-dessous). Objectif d’une telle mesure ? Augmenter le nombre de logements accessibles aux personnes handicapées ou dépendantes.

Un point en suspens

Mais cette annonce n’a pas suffi à satisfaire les associations de personnes handicapées, méfiantes sur les modalités précises d’application. Durant des mois, au fil des échanges et concertations dans le cadre de la loi ELAN, la vigilance fut de mise pour éviter de vider cette annonce de sa substance, notamment avec le risque de dérogations qui en auraient limité l’impact – un seuil de 12 appartements minimum avait été envisagé-. Mais le décret n° 2019-305 du 11 avril 2019 avait rassuré les parties (article en lien ci-dessous) ; il n’est en effet assorti d’aucune condition minimale de nombre de logements. Restait néanmoins une zone d’ombre, la possibilité d’une « solution dérogatoire et pragmatique pour les cas particuliers d’immeubles atypiques ou très petits » ; le ministère du Logement œuvrait donc à la réécriture de l’article R 111-16 du CCH (Code de la construction et de l’habitation) préexistant …

Des dérogations élargies

Le 2 juillet 2019, il a rendu sa copie via un projet de décret qui pourrait bien remettre le feu aux poudres… Jusqu’à maintenant, son 4ème alinéa dit ceci : « Le préfet peut accorder des dérogations (…) lorsque les caractéristiques du terrain ou la présence de constructions existantes font obstacle à leur application. » Mais, dans la nouvelle mouture, il serait remplacé par cela : «… lorsque les caractéristiques du terrain, la présence de constructions existantes  ou les conditions techniques et économiques… ». Conditions techniques ou économiques ? La définition, plutôt vague, ne risquerait-elle pas d’ouvrir la porte à certains abus ? Christian François se montre pessimiste : « Concrètement, ça veut dire quoi ? », questionne cet ancien représentant associatif au CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) qui suit ce dossier de près. « Cette proposition est inacceptable d’autant qu’elle permettrait désormais des dérogations à l’ensemble de la production d’immeubles nouveaux et non pas aux seuls R+3, poursuit-il. Je confirme, pour y avoir participé, qu’à aucun moment des réunions préparatoires il n’a été question de déroger pour des raisons techniques ou économiques ». Un calcul élaboré à partir des données Insee permet d’estimer à moins de 3 % le nombre de dérogations accordées jusqu’à maintenant dans les immeubles R+4, une part somme toute limitée, mais quel impact l’élargissement des motifs recevables pourrait-il avoir ?

Quid de la contrainte économique

Dans les deux versions, le préfet doit se prononcer « par arrêté après consultation de la commission consultative départementale de la protection civile, de la sécurité et de l’accessibilité ». Mais on parle bien de « consultation » et non pas d’avis. « C’est donc le préfet qui aurait le dernier mot ? Est-ce dans ses compétences ? Se poserait alors la question des critères qui permettraient d’estimer la ‘contrainte économique’ ? Et puis, les lobbys du bâtiment sont puissants et il ne serait pas compliqué de faire apparaître une telle contrainte sur un devis », poursuit Christian François qui déplore un « flou magistral ». Par ailleurs, Sophie Cluzel avait averti dans une interview accordée en janvier 2019 à handicap.fr (en lien ci-dessous) que ce n’était pas tant le coût initial de la construction qui risquait d’être revu à la hausse par l’installation d’un ascenseur mais le montant des charges locatives. « Sa maintenance, s’il y a peu d’appartements, va les impacter d’autant plus, avait expliqué la secrétaire d’Etat en charge du Handicap. Il faut trouver le bon compromis. ». L’argument économique évoqué dans le projet de décret englobe-t-il cet aspect ? « Mais, in fine, qui a chiffré le service rendu à la société ?, conclut Christian François. Cette avancée doit permettre à des personnes dépendantes de vivre à domicile et c’est le seul bénéfice qui doit être évalué. »

De son côté, Dominique Gillot, présidente du CNCPH, se dit « très étonnée par ce projet » qui n’a jamais fait consensus lors des discussions et demande au gouvernement de s’en tenir à ses promesses qui excluaient toute dérogation. La question sera abordée jeudi 4 juillet 2019 au matin en commission permanente du CNCPH. La vigilance est de mise.

Source : https://aides-techniques.handicap.fr/a-accessibilite-nouvelles-derogations-inattendues-12025.php


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