LETTRE OUVERTE
À MADAME AGNÈS BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ

Les acteurs de l’aide à domicile de Meurthe-et-Moselle
Le conseil départemental de Meurthe-et-Moselle
Nancy, le vendredi 5 juillet 2019

Madame la Ministre,

Le comité de pilotage national de l’aide à domicile réuni le 11 février 2019 a permis d’échanger sur le futur modèle de financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile. Un programme de préfiguration de ce futur modèle est mis en place en lien avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et avec vos services.

Ceci est révélateur d’une prise de conscience, au plus haut niveau de la Nation et de l’État, de la situation préoccupante dans laquelle se trouvent actuellement les dispositifs qui concourent au maintien à domicile des personnes dépendantes du fait de leur âge ou de leur handicap.

Nous, acteurs de ce secteur en Meurthe-et-Moselle, dans la diversité de nos rôles, de
nos statuts et de nos cultures, prenons l’initiative de vous alerter d’une même voix sur
les risques majeurs d’une préfiguration sans rapport avec les enjeux et sans commune mesure avec les besoins requis pour traiter la crise que nous traversons.

En effet, la situation de l’aide à domicile n’est pas simplement préoccupante : elle est
véritablement dramatique ! La crise à laquelle nous sommes confrontés depuis plusieurs années met aujourd’hui les acteurs au bord de la rupture ; l’effondrement du système n’est plus une hypothèse, c’est une certitude si des mesures d’urgence ne sont pas prises à très court terme.

Une telle perspective serait très dangereuse pour la cohésion sociale de notre pays dont nous sommes des acteurs essentiels. Notre intervention est une alternative à des mesures beaucoup plus coûteuses comme l’accueil dans des établissements d’hébergement médicalisés ou l’hospitalisation. L’asphyxie des dispositifs en place représente également une catastrophe économique pour les années qui viennent.

Comme vous le savez, notre difficulté majeure résulte du manque d’attractivité du métier d’aide à domicile. De ce fait, les opérateurs sont dans l’incapacité de recruter les effectifs nécessaires à la réalisation des prestations à la hauteur des besoins analysés par les services des conseils départementaux dont la mission est d’organiser, d’animer et de coordonner ce dispositif.

Ce manque extrêmement massif d’effectifs se traduit concrètement et quotidiennement par la non réalisation de prestations pourtant essentielles, qui renforce toujours le sentiment de solitude des bénéficiaires, alimente souvent leur ressentiment vis-à-vis de nos agents et plus largement vis-à-vis d’une Société qui ne prend pas en compte leurs besoins et peut aller parfois jusqu’à les mettre en danger. Il provoque également un découragement des équipes d’intervention et de coordination, mais aussi des directions qui ont peine à dispenser une action qui, en situation de pénurie de moyens, perd indéniablement en qualité.

Pour tenter d’apporter des réponses, qui s’avèrent toujours dérisoires par rapport aux
besoins, les opérateurs peuvent être tentés de recourir de façon excessive aux heures supplémentaires, voire d’abaisser le niveau d’exigence lors des recrutements, « solutions » qui par effet de cercle vicieux ne font qu’aggraver la situation.

Nous sommes bien conscients que la reconnaissance d’une fonction ne repose pas
exclusivement sur la rémunération. Outre la difficulté intrinsèque liée à la nature de leur activité, qui suppose une « qualité d’être » particulière, les aides à domicile exercent leur métier dans des conditions particulièrement difficiles.

Ils interviennent seuls au domicile des bénéficiaires, sont confrontés à des problèmes
de mobilités qui ne sont pas toujours pris en compte à la hauteur de ce qu’ils engagent en termes de coût et de temps, ils travaillent les week-ends et avec des horaires parfois difficilement compatibles avec une vie familiale et sociale… L’attractivité du métier ne sera donc restaurée que lorsque tous ces éléments seront pris en compte, notamment lorsque le savoir-être sera enfin reconnu à la même hauteur que le savoir théorique ou le savoir-faire.

Il va donc de soi que sortir de cette crise nécessite des mesures de court, moyen et
long termes qui supposent une analyse approfondie de l’existant et des besoins actuels et futurs, préalable à la construction d’une véritable filière de l’aide à domicile, avec la définition de référentiels de métiers, l’organisation de formations adaptées, sans oublier la nécessaire structuration des fonctions supports et de coordination.

Mais dans l’urgence, c’est bien de moyens financiers dont notre secteur d’activité a besoin. La faible rémunération et l’insuffisance des moyens de coordination sont aujourd’hui le facteur essentiel du manque d’attractivité du métier d’aide à domicile et il n’est pas envisageable d’augmenter significativement leurs effectifs si un effort immédiat et important n’est pas fait. À défaut, l’effondrement qui s’annonce sera brutal.

Certains que vous partagez notre conviction que l’on ne peut construire un nouveau
monde en laissant sur le bord de la route nos aînés qui ont bâti celui dans lequel nous
vivons, les personnes en situation de handicap, les familles ainsi que les professionnels qui, chaque jour, se dévouent à leurs côtés, nous vous remercions, Madame la Ministre de l’attention que vous porterez à ce cri d’alarme et des réponses que vous y apporterez.
Nous vous prions de recevoir, Madame la Ministre, nos salutations les plus respectueuses et les plus dévouées.

Les signataires :

ADAPA 54 / ADAPAH NORD 54 / ADMR-FÉDÉRATION 54 / ÂGE D’OR SERVICESSeichamps/ ÂGE D’OR SERVICES-Lunéville / AMAPA / AMDPH / AVAD-ASSISTANCE VIE À DOMICILE / CCAS PONT-À-MOUSSON / ESPRIT TRANQUILLE / FS SERVICES À DOMICILE / GIHP LORRAINE / LORINETTE-RÉSEAU DOMIDOM / LOUVEA NANCY / NOVADAPA / SOUS MON TOIT / VILLE ET SERVICES / et le CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE MEURTHE-ET-MOSELLE


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