A l’occasion de la journée internationale de l’autisme, des familles confrontées au confinement, à bout, lancent un cri d’alerte. Certaines mesures et soutiens ont été mis en œuvre mais peinent à répondre à leur isolement.

Après le 1er avril, vient le 2. Après les blagounettes qui vous mettent du rose au cœur, un jour tout en bleu, couleur fétiche de l’autisme. Mais en cette journée internationale dédiée, en cette année 2020 troublée, aucun cœur n’est à la fête. Une vague de confinement a déferlé sur le monde, privant des millions de familles de liberté et rendant le quotidien des personnes autistes, au mieux difficiles, au pire dramatiques.

Des appels au secours

« Je n’ai pas de mots pour décrire ce que je vis, explique la maman d’un adolescent autiste sévère. Cet enfermement c’est l’enfer. » « C’est de plus en plus difficile à gérer car, si elle ne sort pas, elle fait des crises, confie celle de Jeanne sur France 3. Les enfants autistes, c’est très ritualisé, il ne faut pas bousculer leur quotidien ». Bravant les restrictions, elle a pris sa voiture pour aller promener sa fille deux heures dans les bois, prenant le soin d’emporter une attestation du médecin mais redoutant néanmoins les contrôles. D’autres appels au secours : « Nous vivons à cinq sous le même toit, mon fils de 25 ans ne supporte pas d’être enfermé, il a tout cassé dans la maison et j’ai peur pour ma vie ». « Mon fils a l’impression d’étouffer. Il se tape la tête contre les murs, aidez-moi ».

4 800 mails

L’association SOS autisme France lance un coup de gueule, elle a reçu 4 800 mails de parents « désespérés parce que, pour certains, ils n’ont pas eu d’autres choix que de donner des traitements très lourds » et se dit bien « impuissante face à ces familles qui nous demandent de l’aide ». Sa présidente, Olivia Cattan, ajoute : « Rien n’a été réfléchi ni organisé par Madame la Ministre. Au-delà de la difficulté du moment présent, certains parents redoutent, en l’absence de prise en charge, de voir leur enfant régresser. » « Il ne faut pas oublier que, plus ce sera long, plus la transition pour la reprise des activités sera difficile », s’inquiète Chams-Ddine Belkhayat, papa d’un garçon autiste, et président de l’association Bleu network.

Macron allège les règles de confinement

Ces SOS ont-ils été entendus ? Le 1er avril, Emmanuel Macron annonce un aménagement des règles de confinement pour les personnes autistes, en les autorisant à sortir « un peu plus souvent » dans des lieux « porteurs de repères rassurants » (article complet en lien ci-dessous). Cette mesure avait déjà été adoptée par l’Espagne le 20 mars 2020. « Elle permet aux familles d’organiser et de rythmer les journées des enfants de façon plus dynamique afin qu’ils puissent également se dépenser physiquement et réduire leur anxiété », poursuit Chams-Ddine Belkhayat ; via son association, il encourage à l’activité et a mis en place un événement fédérateur en ligne dédié à l’autisme, incitant les parents à poster de courtes vidéos sur les thèmes du sport et de l’art (article en lien ci-dessous).

Autism-Europe se mobilise

Dans ce contexte inédit, Autism-Europe lance un appel à tous ses membres, avec l’objectif de s’assurer que les « personnes autistes et leurs familles se sentent soutenues en ces temps difficiles » ; elles sont invitées à participer à une vaste enquête sur leur situation actuelle et leurs besoins www.surveymonkey.com/r/GJQ8VH5, en anglais). Par ailleurs, dans un bulletin spécial, l’association recense toutes les ressources utiles pour faire face à cette crise sanitaire sans précédent.

Des sites et guides pour accompagner

Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat au Handicap, se dit consciente que « des difficultés importantes peuvent se poser dans les familles, notamment lorsqu’elles s’occupent de personnes autistes ou avec des troubles sévères du comportement, qui supportent très difficilement le confinement et qui s’accommodent mal de changements brutaux dans leur mode de vie ». Et réitère depuis plusieurs jours le même message : « Vous n’êtes pas seuls ». Elle participe, le 2 avril à 17h, à un Facebook Live sur le sujet avec Claire Compagnon, déléguée interministérielle chargée de la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’autisme. Plusieurs mesures ont été prises, par exemple la rédaction de fiches pratiques pour permettre aux parents de trouver leurs « repères » ou encore un guide « Comment vivre le confinement avec un enfant autiste ? » ( https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/covid-19_autisme_vf.pdf ). Vingt pages au total pour structurer le temps, gérer les comportements indésirables mais également prendre soin de soi. Un nouveau guide « Conseil pour les personnes adultes autistes pendant le confinement », réalisé par le Groupement national des centres ressources autisme (GNCRA), est disponible depuis le 1er avril tandis qu’un dispositif de soutien aux personnes autistes isolées est mis en place ( https://gncra.fr/soutien-aux-adultes-autistes/ ).

Une plateforme dédiée

Une foire aux questions dédiée est également en ligne sur le site Grandir ensemble ( https://gncra.fr/covid-19-et-tsa-faq/ ) tandis que la plateforme Autisme info service bénéficie d’un renfort avec une équipe pluridisciplinaire d’une vingtaine de répondants (article complet en lien ci-dessous). Cette dernière, joignable au 0 800 71 40 40 (du lundi au vendredi, de 9h à 13h, et les mardis de 18h à 20h), a vu son nombre d’appels multiplié par quatre depuis le début du confinement et déplore des « situations préoccupantes quotidiennes ». Environ 72 % des appelants sont des aidants (parents ou proches d’une personne autiste), tandis que 13% sont des personnes atteintes d’autisme.

D’autres mesures…

D’autres mesures ont été mises en œuvre. Par exemple, pour les ordonnances non sécurisées (tout sauf méthylphénidate : Ritaline®, Quasym®, Médikinet®, Concerta®), le pharmacien peut les renouveler sans passage chez le médecin traitant. Le gouvernement a également levé la barrière d’âge, auparavant fixée à 16 ans, pour que les parents contraints de garder leur proche handicapé au domicile puissent bénéficier d’un arrêt de travail automatique. Des associations sont particulièrement actives et des plateformes d’entraide voient le jour ; il est par exemple possible de faire appel à une personne volontaire qui peut aller faire des courses en s’inscrivant sur https://covid19.reserve-civique.gouv.fr/.

Un appui des établissements

Mais peuvent-elles suffire à apaiser des familles à bout, avec une prise en charge drastiquement allégée depuis la fermeture de la plupart des établissements ou des écoles ? Ces derniers sont censés continuer à suivre les familles et maintenir le lien, via une astreinte téléphonique et des équipes médico-sociales d’accompagnement qui sont tenues de rester mobilisées. Pourtant, bien des parents doivent désormais faire face H24. Seuls ! Dans les cas les plus critiques, des solutions peuvent être envisagées : interventions à votre domicile pour assurer les soins et l’accompagnement prioritaires, aides à domicile ou accueil temporaire dans un autre établissement. Rappelons, pour ceux qui sont scolarisés en milieu ordinaire, que les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ne doivent pas se rendre au domicile des élèves mais peuvent contribuer au maintien du lien par téléphone ou messagerie électronique. Pour Chams-Ddine Belkhayat, il serait « intéressant d’étudier la reprise des accompagnements par les professionnels en libéral qui le souhaitent. Les prises en charge pourraient également avoir lieu à l’extérieur, en milieu non confiné de manière à réduire les risques ». Pour le Collectif handicaps, « le manque de solutions de répit va accélérer l’épuisement des familles ».

Face aux forces de l’ordre

Dernier point, certaines difficultés rencontrées lors des contrôles de police, qui, faut-il l’espérer, seront tempérées par la récente proposition d’allègement d’Emmanuel Macron. Selon Amélie Tsaag Valren, autiste, « aucune réponse n’est apportée concernant l’arbitraire des amendes délivrées, la formation des policiers au handicap et à l’autisme ». Le Parisien rapporte en effet le cas de Pierre, verbalisé à Fresnes-sur-Marne (Seine-et-Marne), en rentrant de ses courses. La maman de ce jeune homme autiste Asperger explique : « Les gendarmes lui ont demandé son motif de déplacement. Constatant les provisions dans le coffre, ils ont alors exigé le ticket de caisse, que, dans l’affolement, mon fils n’a pas été capable de produire… ». Il a écopé de 135 euros d’amende.

Un cas à part ?

« En ces temps de crise, des dizaines de verbalisations non méritées ont été recensées, assure Amélie. La capacité à échapper à une verbalisation repose en partie sur l’argumentation. Nous avions déjà longuement alerté sur les problèmes que rencontrent les personnes autistes avec les forces de l’ordre en pleine application du plan Vigipirate. Aujourd’hui, pourtant très respectueuses des règles, elles sont verbalisées à tort pour avoir paniqué durant un contrôle policier… » La jeune femme redoute que certains « renoncent à sortir de chez eux, malgré leurs besoins vitaux ». De vraies mises en danger, dommages collatéraux du Covid-19 ?

Source : https://informations.handicap.fr/a-confinement-autisme-familles-lancent-cris-sos-12776.php


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