Depuis le début de la pandémie, nous avons souvent lu et entendu que la « crise » est la phase la plus grave d’une maladie, mais aussi le moment du jugement, de la décision et du choix.
Une crise est donc un moment privilégié de l’éthique en ce qu’elle nous force à nous poser la question de la finalité de nos actions et à arbitrer entre des valeurs parfois en tension.
Devons-nous privilégier la liberté d’aller et venir ou la sécurité des personnes ? Comment intervenir au plus près des personnes sans être trop intrusif dans leur vie privée ?
Comment diffuser de l’information sur la crise sanitaire sans provoquer une angoisse trop vive et contreproductive ?
Telles sont quelques-unes des questions souvent difficiles que les soignants, les accompagnants, les proches ou les personnes concernées ont été amenés à se poser. Que ce soit sur des questions habituelles – qui se sont toutefois posées de manière plus vive – ou sur de nouvelles questions comme l’accompagnement à distance, la crise est aussi le moment d’apprendre et de faire évoluer les usages et les pratiques professionnelles.
En ce sens, l’éthique n’est pas uniquement une expertise qui permet de trancher des dilemmes à l’aide de principes, aussi utiles soient-ils, comme l’« autonomie », la « non-malfaisance », la « bienfaisance » et la « justice ». Elle n’est pas non plus cantonnée à une vision surplombante du « bien », du « bon » ou du « meilleur », qui relèverait davantage de la morale ou d’un code déontologique.
L’éthique, comme nous l’entendons dans la conception de ces fiches-repères, est une forme de médiation qui engage les acteurs de tous horizons et de toutes disciplines pour soulever des enjeux et des questions auxquelles personne ne peut avoir de réponse toute faite.
Nous tentons collectivement d’y répondre en mobilisant ou en élaborant de nouveaux savoirs, savoir-faire et
savoir-être. En cela, la pratique de l’éthique est à la fois un art de l’écoute – écoute de soi et des autres – et un art de l’écart par rapport à nos pratiques et à nos savoirs habituels. Elle se doit d’être une fidélité à des principes ou à des valeurs qui nous font vivre ensemble et donnent du sens aux métiers du soin et de l’accompagnement,
mais aussi, parfois, un arrachement à ces principes et à ces valeurs comme condition de leur métamorphose, de leur évolution, de leur transformation. Ni conservatrice, ni dans le simple accompagnement aveugle des vagues de nouveautés, donc ; mais une manière de se resynchroniser avec des évolutions, parfois brutales, en temps de crise.
L’idée de ces fiches-repères n’est donc pas de trouver un consensus entre les positions en présence sur chacune des questions traitées, ni de se substituer à la réflexion des acteurs de terrain, mais de lancer et de nourrir le débat dans les lieux du soin et de l’accompagnement – établissements, domicile, écoles, lieux de loisir, etc. – pour inciter les professionnels, les proches et les personnes concernées à se questionner sur leurs pratiques.
En période de crise, les interrogations, les doutes, les hésitations sont nombreuses. Dans la tempête, les professionnels, les proches et les personnes concernées ont gardé à coeur leurs exigences et leurs valeurs de soin et d’accompagnement. C’est dans cette voie, et pour faire vivre ces réflexions et ces valeurs, que nous souhaitons ici les accompagner.
→ SÉBASTIEN CLAEYS
RESPONSABLE DE LA MÉDIATION, CHERCHEUR EN PHILOSOPHIE, ESPACE ÉTHIQUE ÎLE-DE-FRANCE
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