Le gouvernement vise une totale dématérialisation des démarches administratives ! Dans son nouveau rapport, le Défenseur des droits déplore l’absence de prise en compte des publics à besoins spécifiques, comme les personnes handicapées.
17 janvier 2019 • Par Cassandre Rogeret / Handicap.fr
11 % des Français ne se connectent jamais à Internet et un tiers de la population s’estime peu ou pas compétente pour l’utiliser. Il y a aussi ceux qui ne « peuvent » pas, par manque d’accessibilité des sites. En première ligne : les personnes handicapées. Une question se pose alors : le gouvernement a-t-il pensé à eux en établissant son « Plan d’action 2022 » qui vise une dématérialisation de toutes les démarches administratives d’ici 2022 ? Pour le Défenseur des droits (DDD), la réponse est assurément « non ». L’intitulé de sa conférence de presse du 17 janvier 2019 parle de lui-même : « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics ». Il promet un état des lieux « sans complaisance » et des « recommandations pratiques » pour faire en sorte que « l’égalité face à l’accès aux droits soit encore une réalité pour tous ».
Nécessité d’une prise en compte en amont
« Ce rapport a une portée particulière car il met en cause toute la relation entre le service public et les usagers », annonce Jacques Toubon en préambule. Pour constituer ce dossier sur la dématérialisation des services publics, le Défenseur des droits s’est appuyé sur les milliers de saisines reçues sur ce sujet pour révéler les inégalités d’accès au numérique et mettre en exergue les failles du plan d’action 2022. « Quand on réalise ce type d’opérations, il faut prendre en compte les besoins des publics spécifiques et réaliser, au préalable, des tests, non pas précipités mais progressifs », poursuit-il. Il fait notamment référence à la dématérialisation « express », « en à peine un jour », des procédures liées aux demandes de permis de conduire et de certificats d’immatriculation des véhicules depuis le 6 novembre 2017.
Site non-accessible : inacceptable
Le DDD reconnaît les multiples avantages du numérique, et en particulier pour les personnes à mobilité réduite qui n’ont pas besoin de se déplacer pour réaliser leurs démarches. « La dématérialisation est une des pistes d’amélioration du service public car elle facilite l’accès aux informations et peut supprimer les distances entre les êtres humains. Mais le risque c’est de créer des distances, des obstacles et d’exclure certains usagers ». Les premiers laissés pour compte de cette réforme : les personnes handicapées. « Ca parait évident ! », lance-t-il. « Tous les sites publics doivent être accessibles pour tous les types de handicap : sourds, muets, ‘dys’, non ou malvoyants… ». Pour les déficients intellectuels, par exemple, il préconise une écriture en facile à lire et à comprendre (FALC). « L’attitude qui consiste à mettre en ligne un site non accessible en se disant « Tant pis pour ceux qui ne comprennent pas » est inacceptable ».
Une entorse à la loi ?
« De nombreux sites publics ne sont donc pas accessibles aux personnes en situation de handicap », assure Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des droits en charge des discriminations. Le DDD constate, en effet, que le dispositif prévu par la loi est, à ce jour, peu contraignant, tant en termes d’obligation que de réalisation et de sanction et ne permet pas de garantir un accès effectif aux sites internet des services publics. La loi ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect des règles d’accessibilité, l’amende de 25 000 euros prévue ne portant pas sur le défaut d’accessibilité des sites en tant que tel mais sur la publication ou non de la mention de la conformité ou de l’absence de conformité. Dès lors, le Défenseur des droits recommande la mise en place d’un véritable dispositif de contrôle de conformité, assorti de sanctions dissuasives. D’autant que les choses vont devoir changer. En effet, les sites mis en ligne après le 23 septembre 2018 devront obligatoirement être rendus accessibles au plus tard le 23 septembre 2019 ; pour les sites existants à cette date, l’échéance est repoussée au 23 septembre 2020 et pour les applications mobiles des organismes du secteur public au 23 juin 2021.
Préserver un accès multicanal
« Les services publics doivent mettre en œuvre un impératif catégorique d’égalité, poursuit Jacques Toubon. C’est l’appel que nous lançons car nous avons la vocation d’être un sismographe de la réalité sociale ». Dans son rapport, il liste une dizaine de recommandations pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité : l’obligation de « repérer et d’accompagner les personnes en difficulté », « ne jamais considérer l’usager comme responsable du non-aboutissement de sa démarche » et « toujours préserver un accès multicanal » qui laisse le choix aux usagers d’opter pour la voie postale, téléphonique ou en ligne.
Gouvernement : à vous de jouer !
« Nous alertons et proposons des solutions mais ce n’est pas à nous de les mettre en œuvre. Je pense que les pouvoirs publics sont conscients de toutes ces difficultés donc nous allons nous atteler à faire en sorte qu’ils les prennent en compte réellement pour que la modernisation économique soit synonyme d’égalité et non de risque d’inégalités. (…) Quand on sait, on veut, et quand on veut, on peut », conclut le DDD.
* Source : baromètre du numérique 2018
Source : https://informations.handicap.fr/a-administration-numerique-mauvaise-idee-11479.php
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