Avec la loi Elan et le projet de désinsitutionaliser le pays, l’accessibilité des logements est, plus que jamais, au cœur des préoccupations des personnes handicapées. Des bailleurs sociaux ont donc décidé de continuer à appliquer la loi de 2005.

10 avril 2019 Par Cassandre Rogeret / Handicap.fr

Le nombre de Français handicapés augmenterait de près de 7 % chaque année. Avec une politique publique basée sur l’inclusion et la désinstitutionalisation, la problématique du logement est, plus que jamais, au cœur des préoccupations. La loi Elan n’arrange rien, au contraire (article en lien ci-dessous)… En abaissant le nombre de logements neufs accessibles de 100 % à seulement 20 %, elle a créé la polémique et soulevé la colère des associations. Certaines parlent d’« erreur », d’autres de « recul »… Le constat est amer : trouver un habitat adapté à un prix raisonnable relève du parcours du combattant. Dans ces circonstances, les demandes de logements sociaux affluent et dépassent largement l’offre. Certains bailleurs sociaux ont donc décidé de faire fi de la loi et de proposer des solutions alternatives. Plusieurs d’entre eux sont venus partager leurs initiatives lors des 31e rencontres de l’Apact (Association de promotion, accessibilité et conception pour tous), le 27 mars 2019, à l’Hôtel de Ville de Paris.

La loi Elan en prend pour son grade

« La loi Elan vient de marquer un dramatique coup d’arrêt », déclare Jean-Marie Schléret, président de l’union HLM du Grand Est, pointant les délais d’attente « considérablement rallongés » pour obtenir un logement en cas de handicap, les choix « imposés » et les litiges entre locataires et propriétaires à la seule évocation du mot « évolutif »… La majorité des acteurs présents ce jour-là dénoncent une « loi régressive ». Le ton est donné. « Se tromper, ça arrive à tout le monde… Mais pondre une loi avec un retour en arrière, c’est très rare et ce n’est pas acceptable », s’enflamme Patrick Doutreligne, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS). La raison de sa colère ? « La victoire des lobbys… Le modèle économique a prévalu sur le modèle humain, explique-t-il. Et encore… il n’est même pas démontré que cette loi va permettre de faire des économies. » Il liste plusieurs incohérences, à commencer par le « discours moderne » sur la fermeture des établissements et le développement de l’hospitalisation ambulatoire. « C’est bien, reconnaît-il, mais si vous voulez que les gens n’aillent pas à l’hôpital, il faut que les logements leurs soient adaptés. »

Ville de Paris : un modèle ?

Selon Patrick Doutreligne, le problème n’est pas une question de quota mais de « vision de la santé ». « Quand elle est si réductrice, il faut s’insurger, estime-t-il. Quand trois instances de contre-pouvoir désapprouvent, à savoir le Défenseur des droits, la commission consultative des droits de l’Homme et la commissaire aux droits de l’homme de l’UE, mais que la loi passe quand même, ma colère ne peut pas retomber », achève-t-il. Si la loi Elan a récemment été adoptée, il n’y a pas d’obligation de la suivre à la lettre dans le parc social neuf. Ainsi, la mairie de Paris a envoyé un signal fort en demandant à tous ses bailleurs de continuer à appliquer la loi de 2005. « Nous avons fait ce choix très clair car il faut faire de la pédagogie collective pour que tous les logements soient accessibles », détaille Serge Contat, directeur général de la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP). Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des droits, en charge de la lutte contre les discriminations, se dit « très satisfait » de cette démarche. « Ce n’est pas de la résistance de la part de la ville de Paris, c’est un choix », explique-t-il. Cela signifie que les collectivités bénéficient d’une « marge de manœuvre pour faire perpétuer une autre approche ». Par ailleurs, la RIVP assure qu’elle prend en charge la totalité des travaux pour les personnes âgées et handicapées confrontées à des difficultés pour se déplacer chez elles au quotidien. Ils consistent, par exemple, à supprimer les marches et mettre en place une rampe, restructurer l’entrée d’un bâtiment, améliorer le revêtement, remplacer une baignoire par une douche à l’italienne ou installer des équipements spécifiques (barre d’appui, WC…).

Classer le parc social

En région Grand Est, des bailleurs sociaux ont également opté pour le 100 % accessible. Selon Franck Ceccato, directeur d’Arelor Grand Est HLM, l’adaptation à tout prix est « incohérente ». « Il y a une dizaine d’années, on cherchait à adapter le logement d’une personne handicapée qui habitait au 3e étage sans ascenseur, aujourd’hui, on lui propose un autre logement », explique-t-il. Par ailleurs, les commissions d’attribution spécifiques sont « un vrai plus », estime-t-il. Quel est le rôle des bailleurs, précisément ? « Ils doivent fournir un parcours résidentiel à des personnes qu’elles soient handicapées ou ‘valides’. Ils ont le souci de travailler ensemble sur des thématiques qui concernent l’humain », rétorque Philippe Moine, secrétaire général de l’union HLM de la métropole du grand Nancy. Il en profite pour faire une petite piqûre de rappel : « L’accessibilité ne se limite pas aux personnes en fauteuil roulant. Celles qui présentent des troubles psychiques peuvent également avoir des difficultés dans le maintien ou l’accès au logement ». C’est pourquoi certains bailleurs ont été contributeurs du contrat local de santé mentale. En parallèle, cette union a créé un outil qui permet de trier l’ensemble du parc social selon trois catégories : logements accessibles au regard de la loi du 11 février 2005, ceux accessibles construits ou adaptés avant cette loi et pouvant être proposés à une personne en fauteuil (logements en RDC ou à l’étage avec un ascenseur) et logements non-accessibles mais qui ont été adaptés. L’objectif : faire un état des lieux et « rapprocher l’offre et la demande ».

Une info également accessible

En Nouvelle-Aquitaine, deux dispositifs ont été mis en place pour « décomplexifier » les démarches des personnes âgées mais aussi handicapées. Pour créer le label Cap autonomie, Séverine Mazet, responsable de l’habitat spécifique pour Immobilière Atlantic aménagement, a décidé de réunir un groupe de travail avec des usagers. « Sur la partie adaptabilité, nous avons rédigé un cahier des charges qui répondait à leurs demandes », explique-t-elle. Au-delà du logement, ce label porte également sur l’accessibilité de l’agence et les services proposés. « Le premier contact, c’est l’agence et il faut pouvoir diffuser une info accessible à tous », ajoute-t-elle. La totalité des documents seraient ainsi disponibles en braille ou en caractères agrandis. Bientôt en FALC (facile à lire et à comprendre) ? Le site internet permet également de naviguer selon son handicap (parkinson, dyslexie…). Une tablette avec transcription en langue des signes est aussi proposée. Il propose par ailleurs un service de téléassistance pour un coût mensuel de 6.50 euros. Le prix à payer pour se sentir bien chez soi ?

D’autres initiatives telles que les Compagnons bâtisseurs qui aident les personnes à réhabiliter leur habitat en proposant des ateliers de bricolage ou encore le développement de nouvelles technologies et la diffusion de vidéos explicatives pour faciliter le maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie, ont été déployées et permettent de « contourner » les obstacles de la loi Elan.

Source : https://aides-techniques.handicap.fr/a-bailleurs-sociaux-loi-elan-hlm-rebiffent-11764.php


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