Les femmes, de surcroît handicapées, en proie aux violences conjugales, victimes collatérales du confinement ? + 30 % de signalements. Le gouvernement propose des moyens d’alerte discrets afin de ne pas éveiller les soupçons.

« La violence ne se cantonne pas aux champs de bataille », déplore Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU. Le confinement, un dispositif de protection pour la majorité des Français, peut devenir un calvaire pour les femmes victimes de violences conjugales, à la merci de leur bourreau 24 heures sur 24. Au moins deux d’entre elles seraient décédées depuis le 17 mars 2020 en France. Une semaine plus tard, Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, annonce que ces violences ont augmenté de « 32 % en zone gendarmerie » et « 36 % en zone préfecture de police de Paris ». Parmi elles, des femmes en situation de handicap, plus isolées que jamais, notamment depuis la fermeture de nombreux établissements médico-sociaux et une difficulté accrue pour accéder aux soins. Pour endiguer ce fléau, Antonio Guterres a lancé, le 5 avril 2020, un appel mondial à protéger les femmes et jeunes filles « à la maison », engageant « tous les gouvernements à prendre des mesures de prévention de la violence contre les femmes et à prévoir des recours pour les victimes dans le cadre de leur plan d’action national face au Covid-19 ». De son côté, le gouvernement français diversifie les moyens d’alerte, appelle à la plus grande vigilance et impose une tolérance zéro.

Points d’accompagnement éphémères

« Masque 19 », c’est le nom de code à transmettre aux pharmaciens en cas de violences conjugales. Ils s’empresseront ensuite d’avertir les forces de l’ordre de la nécessité d’une « intervention urgente ». Ce dispositif, qui a vu le jour en Espagne, tend à se généraliser en France. En parallèle, des « points d’accompagnement éphémères » ont été déployés dans certains centres commerciaux. A l’initiative ? Des associations locales, l’Etat et l’enseigne Unibail-Rodamco-Westfield. Ils sont installés dans des locaux « permettant la confidentialité mais assez vastes pour accueillir les femmes en respectant les mesures barrières », précise Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes dans Le Parisien. Son leitmotiv : « Comme il est plus difficile de se déplacer, nous faisons en sorte que les dispositifs d’accompagnement aillent aux femmes ». Au total, vingt points seront mis en place dans les prochaines semaines sur tout le territoire, à commencer par le Forum des Halles à Paris ou Les-Ulis (Essonne), les 4 Temps à la Défense et So Ouest à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Carré Sénart à Lieusaint (Seine-et-Marne), pour la région parisienne, ou encore le centre commercial V2 à Valenciennes (Nord), puis Rennes, Dijon, Lyon…

Autres mesures : la création d’un « fonds spécial, financé par l’Etat, d’un million d’euros pour aider les associations de terrain à s’adapter à la période » ainsi que le financement de « 20 000 nuitées d’hôtel pour que les femmes puissent fuir l’homme violent ». Selon Marlène Schiappa, le sujet du relogement des femmes victimes de violences est également « à l’étude avec le ministère du Logement ».

Des cibles « vulnérables »

Pour rappel, chaque année, quelque 213 000 femmes majeures sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. En première ligne ? Celles en situation de handicap. 80 % d’entre elles seraient concernées, soit trois fois plus que les « valides », 60 % des violences ayant lieu au sein du domicile. « La vulnérabilité attire l’homme violent. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte : rapport de genre, phénomène d’emprise, conception de la violence… », explique Isabelle Dumont, chargée de mission au sein de Femmes pour le dire Femmes pour agir (FDFA), association de défense des femmes en situation de handicap, qui a mis en place un numéro national d’écoute dédié (01 40 47 06 06), momentanément suspendu. « Nous avons été contraints de fermer notre local et, l’installation téléphonique ne nous permettant pas de basculer la ligne d’écoute à distance pour la répartir sur plusieurs répondantes, nous avons également dû suspendre nos permanences d’accompagnement téléphoniques », précise-t-elle. Face à la recrudescence des violences, l’association envisage une éventuelle réouverture autour du 13 avril 2020 « si l’aspect technique le permet ». En attendant, elle recommande aux appelantes de contacter le 3919, numéro d’écoute national, anonyme et gratuit, destiné aux femmes victimes de violences et de consulter son site web (fdfa.fr) qui indique les permanences des associations partenaires et autres ressources nécessaires en cas de besoin.

Un SMS au 114

Le hic ? Selon Marlène Schiappa, le 3919 Violence femmes info est moins sollicité depuis le début du confinement. « Ça veut dire qu’il est difficile de téléphoner quand vous êtes enfermé avec l’agresseur », explique-t-elle. Pour toute personne en danger immédiat, il convient d’appeler le 17 ou le 18 mais d’autres solutions, plus discrètes, ont été mises à disposition, tel que l’envoi de sms au 114, un numéro à l’origine destiné aux personnes sourdes et malentendantes (article en lien ci-dessous), qui se chargera d’alerter les secours. Par ailleurs, il existe une plateforme d’écoute Stop-violences-femmes.gouv.fr et celle de signalements arretonslesviolences.gouv.fr, opérationnelle 24 heures sur 24. La Foire aux questions, alimentée par le Comité interministériel du handicap (CIH), qui répond aux interrogations des personnes handicapées en période épidémique, consacre un volet à celles victimes de violences conjugales (article en lien ci-dessous).

Prévenir les violences faites aux enfants

Cette exacerbation des violences concerne également les enfants. Pour prévenir ces maltraitances intrafamiliales, le secrétaire d’Etat en charge de la Protection de l’enfance, Adrien Taquet, annonce la mise en place de plusieurs dispositifs, à commencer par le lancement d’une campagne de sensibilisation à destination du grand public. En outre, le service d’urgence téléphonique 119 Allô enfance en danger (joignable 24h/24 7j/7) assure un maintien de l’activité des écoutants, indispensable au repérage des situations de risque. Si, depuis le début du confinement, le nombre total d’appels -environ 1 000 par jour- n’a pas augmenté, les signalements d’informations préoccupantes sont en hausse de 30 %. L’explication ? Un entourage et un voisinage plus vigilants. Autre possibilité : effectuer un signalement en ligne sur le site dédié (lien ci-dessous). Par ailleurs, des associations de protection de l’enfance se disent « plus que jamais à l’écoute » pour fournir des conseils ou des orientations vers des services compétents, notamment La voix de l’enfant (01 56 96 03 00), L’enfant bleu – Enfants maltraités (01 56 56 62 62), Colosse aux pieds d’argile (07 50 85 47 10) et Stop maltraitance / Enfance et Partage (0 800 05 1234). Alors que les tribunaux sont fermés au public pour éviter la propagation du Covid-19, des permanences sont assurées dans certains d’entre eux « afin de prendre les mesures utiles de protection pour les mineurs exposés à une situation de danger ». En cas d’urgence, des ordonnances de placement provisoire seront décidées par les magistrats pour garantir leur protection.

Source : https://informations.handicap.fr/a-covid-violences-conjugales-exacerbees-quelle-solution-12794.php


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