La commission spéciale de l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie. Sur le volet « dette sociale », un amendement envisage des « emprunts à impact social ». Sur le volet « prise en charge de la perte d’autonomie » et donc création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, la commission a souhaité préciser les intentions du gouvernement. Le rapport prévu pour septembre devra ainsi définir « les modalités de mise en oeuvre » de ce cinquième risque. En revanche, les financements et donc l’entrée en vigueur restent a priori prévus pour… 2024.

La commission spéciale de l’Assemblée nationale, réunissant principalement des représentants des commissions des finances et des affaires sociales, a adopté, le 9 juin, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie (sur le contenu de ces deux textes, voir nos articles des 20 et 28 mai 2020). Ces textes organisent le transfert à la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale) de 136 milliards d’euros de dette sociale et ouvrent la voie à la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie.

Des « Social Bonds » pour la Cades ?

La commission n’a que peu modifié ces deux textes très techniques et au demeurant assez courts (deux articles pour le projet de loi organique et quatre pour le projet de loi ordinaire). Il est vrai que le contexte budgétaire – un déficit prévisionnel 2020 de la sécurité sociale de 52 milliards d’euros, alors qu’il n’était encore « que » de 41 milliards lorsque ces deux projets de loi ont été présentés – ne laisse guère de solutions.

Sur le volet « dette sociale » du projet de loi ordinaire – le projet de loi organique n’ayant fait l’objet que d’amendements rédactionnels –, un seul amendement, parmi la douzaine adoptés, a une portée significative, quoique limitée dans l’immédiat. La commission a en effet ajouté, à l’initiative du groupe LREM, un article prévoyant qu' »au plus tard le 30 septembre 2020, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur les opportunités pour la Caisse d’amortissement de la dette sociale de contracter des emprunts à impact social ».

Un emprunt à impact social (Social Bond, en anglais) est l’équivalent des Green Bonds (obligations vertes). Il s’agit en effet d’une obligation destinée à financer exclusivement des projets ayant un impact social positif sur une ou des populations cibles. Pour faire face à sa propre dette prévisionnelle (également de l’ordre de 50 milliards d’euros), l’Unédic vient de procéder à une émission de ce type à hauteur de 4 milliards d’euros et l’opération a rencontré un grand succès auprès des investisseurs. L’article adopté indique que le rapport à remettre par le gouvernement « précise les conditions juridiques et financières nécessaires pour émettre de tels emprunts dans le respect des standards internationaux les plus exigeants, ainsi qu’un état des lieux sur la situation du marché et l’appétence des investisseurs pour ce type de produits financiers ».

Création immédiate de la cinquième branche… en attendant qu’elle existe

Sur le volet « autonomie » du projet de loi ordinaire, la commission spéciale a adopté un amendement beaucoup plus important, mais qui se limite, dans les faits et pour l’instant, à une dimension symbolique. La commission a en effet supprimé l’article 4 du texte du gouvernement, qui se contentait de prévoir qu' »au plus tard le 30 septembre 2020, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions de création d’un nouveau risque ou d’une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ».

À la place, la commission, à nouveau à l’initiative du rapporteur et du groupe LREM, a adopté un nouvel article qui crée immédiatement, de jure, la cinquième branche de la sécurité sociale. Le nouveau texte modifie pour cela deux articles du Code de la sécurité sociale (CSS). D’une part, il ajoute à la liste des prestations couvertes par la sécurité sociale (article L.200-1 du CSS) les prestations servies « au titre de la prise en charge de la perte d’autonomie ». D’autre part, il complète l’article L.200-2 du CSS qui liste les quatre branches actuelles de la sécurité sociale (maladie, maternité, invalidité et décès ; accidents du travail et maladies professionnelles ; vieillesse et veuvage ; famille), avec une cinquième branche baptisée « Autonomie ».

Les ressources nécessaires attendront 2024

Cette nouvelle rédaction n’a donc clairement aucune portée pratique. L’exposé des motifs de l’amendement reconnaît d’ailleurs que « la mise en place de cette cinquième branche et de ce cinquième risque n’affecte toutefois en rien les modalités de financement de cette prise en charge. Cet amendement n’emporte en effet pas de création d’un réseau local ou de prestations nouvelles ».

La rédaction adoptée par la commission rétablit d’ailleurs in fine la nécessité d’un rapport du gouvernement, en précisant qu' »au plus tard le 15 septembre 2020, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités de mise en œuvre d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Ce rapport présente les conséquences de la création de cette branche en termes d’architecture juridique et financière et en termes de pilotage, gouvernance et gestion de ce nouveau risque ». Cette rédaction est plus directive que celle initiale du gouvernement, dans la mesure où il ne s’agit plus d’un rapport sur « les conditions de création d’un nouveau risque ou d’une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à l’aide à l’autonomie », mais bien d’étudier dès maintenant les modalités de mise en place de cette nouvelle branche.

L’avancement de la date de remise du rapport au 15 septembre (au lieu du 30) s’explique, selon l’exposé des motifs, par le fait que cette date plus précoce « permettrait de prévoir la concertation nécessaire, tout en permettant une plus grande marge de manœuvre pour que les conséquences puissent être tirées rapidement, dès le PLFSS pour 2021, et laissera au Parlement le temps nécessaire pour s’approprier le document en vue de l’étude du PLFSS pour 2021 ».

Malgré cette apparente accélération, il faudra sans doute toujours attendre le 1er janvier 2024 pour l’éventuelle entrée en vigueur d’une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à l’autonomie. En effet, sur l’insistance du gouvernement, la commission spéciale n’a pas modifié la date du 1er janvier 2024 pour le transfert de 0,15 points de CSG (environ 2,3 milliards d’euros) afin de financer la mise en place de ce cinquième risque (au-delà des 27,9 milliards d’euros qui constituent déjà le budget de la CNSA). Pour Adrien Taquet, auditionné par la commission, avancer ce transfert réduirait les ressources de la Cades et remettrait en cause « sa crédibilité sur les marchés financiers ».

Références : projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie ; projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie (adoptés en première lecture par la commission spéciale de l’Assemblée nationale le 9 juin 2020, examiné en séance publique du 15 au 19 juin 2020).

Source : https://www.banquedesterritoires.fr/projets-de-loi-dette-sociale-et-autonomie-la-cinquieme-branche-accelere-en-faisant-du-sur-place?pk_campaign=newsletter_hebdo&pk_kwd=2020-06-12&pk_source=Actualit%C3%A9s_Localtis&pk_medium=newsletter_hebdo


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