Lors de son discours de politique générale, la Première ministre a annoncé aux députés une réforme du mode de calcul pour l’Allocation aux adultes handicapés. Une demande des oppositions de droite et de gauche lors du dernier quinquennat. Le gouvernement y était resté insensible.
« On doit bouger sur ce point ». Entre les deux tours de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait esquissé un revirement sur l’évolution du mode de calcul pour l’Allocation aux adultes handicapés (AAH).
Ce virage à 180 degrés a été confirmé ce mercredi par Élisabeth Borne à l’Assemblée nationale. « Je vous annonce que mon gouvernement réformera, avec vous, avec les associations, l’Allocation adultes handicapés. Il s’agira d’une réforme en profondeur. Nous partirons du principe de la déconjugalisation », a promis la Première ministre lors de son discours de politique générale, provoquant des exclamations soulagées sur les bans.
Compréhensible, tant cette question a été au cœur d’une longue bataille législative entre la majorité présidentielle et les oppositions lors du précédent quinquennat.
« Satisfait de la déclaration du gouvernement concernant l’Allocation Adulte Handicapé. Après des mois de combat nous allons enfin obtenir gain de cause », a tweeté le sénateur LR, Philippe Mouillé, rapporteur d’un texte en ce sens.
AAH qu’est-ce que c’est ?
Versé sous condition d’âge, de ressources et en fonction du taux d’incapacité de la personne, le montant maximal de l’allocation peut atteindre jusqu’à 919 euros par mois depuis la dernière revalorisation le 1er avril dernier. Aujourd’hui, 1,2 million de personnes bénéficient de l’AAH dont 270 000 sont en couple.
Une précision loin d’être anodine car l’attribution de l’allocation est notamment liée aux revenus du conjoint. Si les revenus d’un couple sans enfant à charge dépassent les 19 626,12 euros annuels, l’Allocation n’est plus accessible au conjoint en situation de handicap. Un fonctionnement « injuste » pour de nombreux adultes handicapés qui doivent « choisir » entre autonomie financière et vie de couple.
Sur franceinfo, le 15 avril dernier, Emmanuel Macron avait convenu que le système était « absurde ». Et pourtant les mois précédents, sa majorité et son gouvernement s’étaient farouchement attachés à le maintenir.
« Nous réduirions à néant le fondement même de notre solidarité », arguait Sophie Cluzel
« En individualisant une allocation sans condition de ressources, nous réduisons à néant le fondement même de notre solidarité : soutenir ceux qui en ont le plus besoin », avait argué Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, auditionnée au Sénat.
Dès 2018, la sénatrice communiste, Laurence Cohen avait déposé une proposition de loi portant pour un meilleur calcul de l’allocation. Le texte avait été rejeté en séance après avoir reçu un avis défavorable du gouvernement.
En août 2019, ce sont les députés LR Aurélien Pradié et Damien Abad, qui déposent une autre proposition loi visant « à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap ». Elle est également rejetée.
C’est la proposition de loi « portant diverses mesures de justice sociale » déposée par le groupe Libertés et Territoires de l’Assemblée qui va avoir le parcours législatif le plus abouti. Une pétition déposée sur le site de la Chambre haute a recueilli plus de 100 000 signatures et précipite son inscription à l’ordre du jour au Sénat après un premier vote à l’Assemblée.
« L’AAH a toujours été une prestation d’un genre particulier »
Le texte qui prévoit la déconjugalisaiton de l’AAH est adopté, au Sénat, en première et en seconde lecture en 2021, malgré l’opposition du gouvernement. « Vous avez toujours défendu le fait que la solidarité nationale s’articule avec la solidarité familiale, parce que le foyer est la cellule protectrice de notre société et le fondement même de notre système », avait rappelé Sophie Cluzel aux sénateurs.
« L’AAH a toujours été une prestation d’un genre particulier, et ça n’est pas qu’une question de localisation dans le Code de la sécurité sociale », lui répondra le rapporteur, Philippe Mouiller.
A l’Assemblée nationale, le texte n’aura pas le même aboutissement. En seconde lecture, la commission des affaires sociales remplace le principe de déconjugalisation par un abattement forfaitaire de 5 000 euros sur les revenus du conjoint. Craignant un vote sous tension, en séance publique, le gouvernement a recours à la procédure du vote bloqué, ne laissant d’autres choix aux députés que de voter sans retouche la version approuvée par l’exécutif. Les députés de l’opposition quitteront l’hémicycle pour protester.
En fin d’année dernière, en troisième lecture, les députés de la majorité présidentielle avaient bien adopté la proposition de loi, mais sans l’article 3 qui promettait l’individualisation de l’AAH. Retransmise au Sénat pour la troisième fois au Sénat, cette nouvelle version n’avait pas encore été inscrite à l’ordre du jour.
Par Simon Barbarit @SimonBarbarit
Le 06 Juil 2022
Source : https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/handicap-elisabeth-borne-annonce-la-deconjugalisation-de-l-aah-215941
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