En quoi la métacognition peut aider les étudiants en situation de handicap à maximiser leurs compétences et améliorer leur apprentissage ? Sciences Po présente les résultats « fructueux » de son atelier sur les innovations pédagogiques.
29 avril 2019 • Par Cassandre Rogeret / Handicap.fr
Seuls 1 % des étudiants sont en situation de handicap. Etablissements peu accessibles, programmes non adaptés, enseignants peu outillés, autocensure… Les freins pour accéder aux études supérieures sont nombreux. Pour changer la donne, Sciences Po, mène depuis plusieurs années des travaux d’expérimentation, avec le soutien de l’Agefiph et du FIPHFP, fonds privé et public pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Ils ont présenté le fruit de ce partenariat, le 24 avril 2019, lors de la conférence « Innovation pédagogique et accompagnement vers l’emploi : des leviers pour une société plus inclusive ».
Accessibilité des contenus pédagogiques
« Notre approche doit être globale et se pencher sur l’accessibilité des contenus pédagogiques », confirme Frédéric Mion, directeur de Sciences Po. Dans cette université qui accueille 13 000 étudiants, seuls 325 sont en situation de handicap. Une proportion « relativement faible », admet-il, mais en constante évolution. En 2007, ils n’étaient qu’une vingtaine. Cette hausse serait-elle due à l’accompagnement éducatif, notamment pour les personnes ayant des troubles cognitifs et psychiques, mis en place depuis plusieurs années (preneurs de note, robots, tiers-temps…) ? Frédéric Mion et son équipe aiment à le croire. En 2017, ils ont entrepris un travail de recherche sur la métacognition et les stratégies d’apprentissage en milieu universitaire, en partenariat avec l’université McGill (Canada).
Apprendre à apprendre
La métacognition « s’apparente à la faculté de connaître et de maîtriser avec réflexivité ses propres processus d’acquisition et d’application du savoir afin de les réguler efficacement », explique Science Po. « On apprend à mieux se connaître pour être plus efficace au quotidien », vulgarise Camille Benoit, psychiatre. Pour tester son efficacité, un cours optionnel de 12 séances de 2 heures a été proposé aux étudiants de l’université parisienne. La première cohorte, composée d’une vingtaine d’étudiants, était ouverte à tous, la seconde, seulement à ceux qui rencontraient des difficultés d’apprentissage. Parmi eux, plusieurs élèves en situation de handicap cognitif et psychique. « L’idée de cet atelier était d’identifier les grandes difficultés que rencontrent ces jeunes » pour ensuite trouver des solutions, explique Camille Benoit. L’objectif : appréhender « plus consciemment » leurs méthodes de travail et les enjeux de la métacognition : gestion du stress, prise de parole en public, affirmation et estime de soi, mémorisation, hiérarchisation des idées, argumentation et sens critique… « Il y a un côté ludique : ‘Je vais essayer de résoudre cette énigme : comment fonctionne mon cerveau ?’ », poursuit-elle.
Travail de recherche fructueux
Les élèves ont ainsi pu apprendre des techniques de mémorisation « efficaces » mais aussi des méthodes pour faire des fiches de synthèse adaptées. Les personnes « visuelles » ajoutaient par exemple des images et un code couleur « flashy ». « Mes fiches sont des œuvres d’art ! », témoigne l’une d’elles. Ils ont également pris conscience des enjeux et des limites du numérique. « Certains élèves n’arrivent pas à se concentrer en cours car ils sont sollicités en permanence par les notifications de leur téléphone portable ou ordinateur, souligne Elsa Géroult, responsable handicap à Sciences Po. Nous leur avons parlé des bloqueurs de notification », outil efficace pour les jeunes ayant des troubles de l’attention notamment. En parallèle, l’université menait un travail de recherche. Pour évaluer la pertinence de ce dispositif, les participants ont accepté de répondre à trois questionnaires d’auto-évaluation à différents moments de l’année et ont pris part à des « entretiens qualitatifs ». L’atelier a été jugé très pertinent par 53 % et pertinent par 47 % d’entre eux. Leurs points communs : la procrastination et des techniques de gestion du temps peu efficaces. « J’avais beaucoup de mal à m’organiser et je remettais toujours à plus tard ce que j’avais à faire. Ce cours m’a permis d’apprendre à aménager mon temps de travail », indique un étudiant. « Nous avons notamment travaillé sur la liberté, la question du devoir, de l’autodiscipline et de la motivation », explique Camille Benoit. Plusieurs étudiants affirment avoir repris « confiance en eux grâce à cet atelier ». « Nous étions en petit groupe donc j’ai eu plus de facilité à m’exprimer, contrairement aux autres cours », indique une étudiante.
Résultats probants
Si la moyenne des étudiants a globalement évolué après leur participation, elle a littéralement bondi pour les élèves en situation de handicap, allant de + 16 % à + 45 %. « On note également une progression au niveau de l’auto-évaluation, se félicite Eva Auzou, conseillère scientifique à Sciences Po. Les étudiants ont une meilleure estime d’eux-même et se sentent plus compétents. » Il est encore trop tôt pour dire si cette expérimentation va se poursuivre, « Les résultats sont chauds de ce week-end », explique Elsa Géroult. Mais l’équipe compte publier un livret pour partager les résultats de ses recherches et ainsi « essaimer » ses bonnes pratiques. Plusieurs de ses expérimentations figurent dans la deuxième édition du « Guide d’accompagnement et de pédagogie innovante ». Cet atelier s’apprête, en revanche, à être testé outre-Atlantique, à l’université McGill (Canada). « Nous visons 200 à 250 participants et envisageons un webinar (ndlr : conférence en ligne) pour faciliter l’accès de tous à n’importe quelle heure », indique Tina Montreuil, professeure et chercheuse en psychologie. « L’enjeu est de passer de la bonne pratique à la pratique courante partout et par tous », déclare Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph.
Affaire à suivre
Sciences Po a également mené d’autres expérimentations, notamment sur la gestion du stress pour les personnes handicapées en reconversion professionnelle, et compte poursuivre ses recherches pour donner les mêmes chances de réussite à tous… « Notre mission ne s’arrête pas le jour où les étudiants obtiennent leur diplôme, conclut Frédéric Mion. L’insertion professionnelle des personnes handicapées est un défi très complexe et collectif qu’il nous importe de relever ».
Source : https://informations.handicap.fr/a-etudiants-handicapes-comment-optimiser-competences-11820.php
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